Werner, l'atout du Werder
Le redressement du Werder Brême doit beaucoup aux qualités et au savoir-faire de son jeune entraîneur Ole Werner, dont l'objectif est de goûter à l'Europe avec le club de la Hanse.
Quand Uli Hoeness, en avril dernier, avait durement reproché à Thomas Tuchel, au terme d'une histoire d'amour contrariée, d'échouer à faire progresser ses joueurs, la dose de mauvaise foi distillée par le patron du Bayern avait été aisément éventée. Les bons entraîneurs, dit-on, sont ceux qui font effectivement progresser leurs joueurs. De l'autre côté du pays, à Brême, Ole Werner fait mieux : il fait aussi progresser le club lui-même. Il n'y a qu'à remonter au point de départ de son aventure avec le Werder pour s'en convaincre. Le 27 novembre 2021, les Vert et Blanc sont 10es de 2e division et viennent d'essuyer un revers, le 5e de leur piteuse saison, face à Holstein Kiel (1-2). Le lendemain, dans la grisaille d'un matin de novembre, le jeune entraîneur de 33 ans prend les commandes. Il va mener le SVW à la montée en Bundesliga dès le printemps suivant. Depuis, le club n'a plus jamais été menacé de relégation.
En passant, Ole Werner a fait d'un avant-centre de 2e division, Niclas Füllkrug, le meilleur buteur de Bundesliga et un attaquant international, parti depuis contre 18 millions de francs environ en Premier League. « Ole est l'un des meilleurs entraîneurs que j'aie eus jusqu'ici », souligne l'actuel joueur de West Ham, cité par le bi-hebdomadaire kicker. « Il a toujours su faire la part des choses en ce qui concerne mes dires ou mes actes. Il me comprenait. Il avait le pouvoir de me canaliser », ajoute un Füllkrug reconnaissant, qui insiste sur l'art de « la communication parfaite » apparemment maîtrisé par Werner. Son prédécesseur Markus Anfang parti dans le chaos d'un scandale sur les attestations liées à la pandémie, le jeune trentenaire a apporté clarté et détermination, exactement ce dont le Werder avait besoin à ce moment-là.
Maturité et autorité naturelle
Club de tradition s'il en est, le Werder aurait pu rechigner à enrôler un entraîneur à l'expérience limitée à Holstein Kiel, son seul mandat chez les professionnels. Sa maturité et son autorité naturelle rayonnent instantanément dans le vestiaire, mais aussi dans sa communication vers l'extérieur. Son rôle de chef est pleinement identifié, ce qui n'empêche ni l'indulgence, ni la justesse. « Il n'y a pas, au Werder, un joueur qui n'ait pas progressé sous son mandat », loue Füllkrug. « C'est une dinguerie ! » Quelques exemples viennent effectivement à l'esprit. Mitchell Weiser, remplaçant à son arrivée, a retrouvé son meilleur niveau. Le milieu de terrain de 24 ans Romano Schmid est devenu international, tout comme l'attaquant Marvin Ducksch avec Julian Nagelsmann.
Résultat logique, le Werder n'a fait que grimper : 2e de 2e division en 2022, 13e de Bundesliga en 2023, 9e en 2024, à deux petits buts d'une qualification européenne. Sans doute les moyens financiers du club hanséatique vont-ils finir par le freiner. Alors il faudra être malin, comme en faisant revenir de Schalke moyennant 2 millions de francs l'attaquant Keke Topp, formé dans la Hanse, ou le latéral germano-ghanéen Derrick Köhn, prêté par Galatasaray le dernier jour du mercato. Si ces mouvements raisonnés pourraient frustrer Werner, il en prend son parti, conscient des limites brêmoises, et joue avec recul, voire détachement, le compromis entre ces contingences et les aspirations, forcément élevées, d'un club au passé fourni. Typique du nord, son humour plein d'autodérision l'y aide, sans doute.
Schaaf et Rehhagel, les exemples
Moins glamour que son grand voisin et rival hambourgeois, le Werder correspond à merveille au caractère et au profil de Werner. Les pieds sur terre, au sein d'un fonctionnement plus participatif, il est parfaitement dans son élément sur les bords de la Weser. Pas un hasard, dès lors, que le coach né à Kiel soit celui qui, en Bundesliga, est en fonction depuis le plus longtemps, d'autant que le Werder a toujours apprécié la continuité – confer Otto Rehhagel et Thomas Schaaf, en poste 14 ans tous les deux. Pour assumer des mandats aussi longs, il faut immanquablement traverser des périodes moins fastes. À l'aube d'affronter Bochum, ce week-end, dans la Ruhr, le SVW reste sur deux matches sans victoire dans le championnat, à Francfort (0-1) et au Weserstadion contre Stuttgart (1-1).
Mais les dirigeants, tel l'ancien joueur Clemens Fritz, reconverti directeur sportif, voient plus large, préférant se concentrer sur le développement de l'équipe plutôt que sur telle ou telle mauvaise passe ponctuelle comme la correction infligée le 3 novembre par Mönchengladbach (4-1), sans pour autant vouloir renoncer à toute remise en question. L'objectif, évidemment, étant de ramener le Werder sur la scène continentale, où il a brillé par le passé. Dès lors, le contrat d'Ole Werner, qui court jusqu'en 2026, pourra tout naturellement être prolongé : le potentiel du bonhomme l'appelle inexorablement, un jour ou l'autre, aux joutes européennes. À Brême, idéalement.