Tonnerre de Brest : Où s’arrêteront les Bretons en Ligue des Champions ?
À travers une analyse détaillée du club, focus sur le Stade Brestois, surprenant cinquième de la phase de groupe en Ligue des Champions après un impressionnant bilan de 13 points sur 18 possibles.
Brest a réussi là où le Paris Saint-Germain a échoué en Europe. Vainqueur un but à zéro au stade de Roudourou contre le PSV Eindhoven, les Bretons écrivent l’aventure d’une vie ces derniers mois en Ligue des Champions. Sous une bonne étoile depuis le début de la compétition, le Stade Brestois s’érige - à la surprise générale - en étendard du football français, réalisant exploits sur exploits, parfois miraculeux mais toujours forts d’un état d’esprit exemplaire. Entre solidarité et résilience, les hommes d’Eric Roy ont fait de l’humilité la valeur cardinale de leur jeu sans jamais traduire un complexe d’infériorité.
Alors qu’il leur reste à affronter le Shakhtar Donetsk et le Real Madrid, Brest - qui ne joue jamais dans son stade car ce dernier ne répond pas aux normes européennes - est l’une des équipes qui gagne le plus de duels et récupère le plus de ballons à ses adversaires parmi les trente-six formations du tournoi le plus relevé au monde. L’un des budgets les plus étriqués de la Champions League a aussi dû faire preuve d’ingéniosité pour construire un effectif compétitif avec seulement deux transferts payants réalisés durant la fenêtre estivale.
Alors quels sont les éléments de la recette bretonne ? Yann Pondaven, spécialiste du Stade Brestois 29 et fondateur du podcast Brest On Air, nous confirme qu’« il n’y a pas de star qui émerge ! Chez nous, aucun joueur ne partira pour trente-cinq millions d’euros. Notre collectif est extrêmement solide, on a les mêmes hommes forts, les mêmes réflexes, les mêmes habitudes et tous les joueurs savent qu’il s’agit de leur unique opportunité qu’ils auront dans leur vie de participer à la coupe aux grandes oreilles. Forcément, il y a ce supplément d’âme qui monte la barre d’énergie lors des nuits européennes. On va plus facilement faire l’effort pour le copain parce qu’on se dit que c’est une fois dans une vie. Contre le PSV Eindhoven, on l’a vu : les dépassements de fonction sensationnels, les kilomètres parcourus, les zones, l’aspect mental fait la différence. Paradoxalement, alors que Brest fait un début de saison assez moyen en Ligue 1, cette équipe montre un clair distinguo lorsqu’elle foule les terrains de la C1. »
Malgré la performance cinq étoiles du défenseur sénégalais Abdoulaye Ndiaye contre le PSV Eindhoven, les individualités bretonnes se subliment grâce au collectif comme le confirme notre spécialiste du SB29, Yann Pondaven : « Difficile de dégager un joueur tant leurs différents pics de forme se sont succédé. Pierre Lees-Melou a longtemps été l’homme fort avant de décliner et d’être compensé par la montée en puissance de Mahdi Camara. Chaque leader porte, tour à tour, le collectif lorsqu’il en a besoin. Mention spéciale à Brendan Chardonnet, le capitaine brestois qui représente l’histoire du club. Il n’était déjà pas programmé pour jouer la Ligue 1… alors encore moins la Ligue des Champions ! (rires) »
Si mentalement les Bretons sont extrêmement solides, c’est parce que la préparation et les discours tenus par leur technicien en chef, Eric Roy, résonnent dans le cœur et l’esprit des joueurs : « Qu’on soit clair, Eric Roy ne révolutionne pas le football moderne mais il optimise toutes les capacités individuelles de ses hommes. Sous ses ordres, ils ont tous progressé. Ces joueurs jouent avec leurs qualités et ne cherchent pas à faire autre chose. Son style fonctionne parce qu’il est simple et que tout le monde comprend ce qu’il peut ou ne peut pas faire… et puis, au-delà de l’aspect tactique, le cinquantenaire a réussi à créer une osmose car il humanise ses discours. Eric Roy laisse de la place aux dialogues et son management consiste à intervenir au moment opportun tout en laissant leur rôle aux leaders du vestiaire. »
Un modèle de simplicité qui pourrait aider le Stade Brestois à entrer dans les livres historiques du football français et à s’installer durablement dans le football de très haut niveau ? Yann Pondaven, notre spécialiste du club breton, répond par la négative : « Ce club a pris du retard en termes d’infrastructures, le projet de nouveau stade à l’horizon 2028 manque de clarté et les installations d’entraînement ainsi que le centre de formation manquent de professionnalisme. Même par rapport à ses adversaires directs en Ligue 1, Brest est à la traîne. Avant d’espérer perdurer dans le top, il faut impérativement profiter de cet attrait nouveau (et des rentrées financières qui en découlent) pour avancer dans le développement du club qui doit tabler sur le capital sympathie gagnant l’Hexagone du football à notre égard pour montrer à de potentiels nouveaux curieux qu’à Brest, on peut vivre des émotions folles avec comme apogée des instants lunaires comme le parcours que nous réalisons en C1. Ceci dit, ne prenons rien pour acquis. Les supporters brestois ne doivent pas espérer que leur club joue l’Europe chaque année, ne brûlons pas les étapes. Au-delà des résultats sportifs, l’essentiel sera d’assurer le SB29 dans une position stable en Ligue 1. Nos dirigeants brestois ont pris des notes lorsqu’ils ont visité le centre d’entraînement du RB Salzbourg à l’occasion de notre déplacement européen et ont pu échanger avec leurs homologues autrichiens dans l’objectif de réfléchir au développement de nouvelles installations. »
Dans le football comme dans la vie, l’action crée l’information. Après avoir écrit un nouveau chapitre dans leur encyclopédie, les Brestois savent désormais comment construire un avenir durable sans se laisser emporter par les fulgurances et l’allégresse de leurs nuitées européennes.