Schick, avant-centre de luxe

Il passait, l'été dernier, pour un candidat au départ. Handicapé par une blessure aux adducteurs trop tardivement soignée à l'été 2023, Patrik Schick, dans l'ombre imposante, entre autres, de Victor Boniface, s'enfonçait dans un obscur rôle de remplaçant au Bayer Leverkusen. Six mois plus tard, l'avant-centre tchèque est 2e meilleur buteur de Bundesliga (17 buts en 23 matches) derrière l'inévitable Harry Kane et le fait qu'il ait inscrit tous les buts de sa sélection lors du dernier match de la République tchèque, contre les Féroés, le 22 mars (2-1), n'étonnera personne. Le natif de Prague a retrouvé, cette saison, la forme qui lui avait permis, en 2021-2022, d'accumuler 24 buts en 27 apparitions en championnat. À l'époque, il marquait un but toutes les 86 minutes, des statistiques du niveau de Robert Lewandowski (84) et Erling Haaland (87). Respectable, à tout le moins.

À ce moment-là, le directeur sportif du Bayer – devenu depuis celui de l'équipe nationale – Rudi Völler rangeait déjà le Tchèque, dans les colonnes du bi-hebdomadaire kicker, dans la catégorie des attaquants de classe mondiale. « Il doit encore confirmer, mais il va le faire », avançait l'ancien joueur de l'OM. À la sortie d'une longue période de disette – blessure et cure de banc de touche –, il y est effectivement parvenu, profitant aussi à son tour des déboires physiques de Boniface. S'il n'est pas indéboulonnable à la pointe de l'attaque du champion d'Allemagne en titre, c'est simplement parce que son entraîneur se ménage plusieurs options tactiques, dont celle de se passer d'avant-centre à l'occasion.

Wirtz, complice de choix

Les flatteuses statistiques de Schick cette saison bénéficient évidemment de l'apport inestimable de Florian Wirtz, le joyau du football allemand, capable mieux que quiconque de créer des décalages au cœur des défenses les plus resserrées. Que Wirtz soit le passeur décisif ou créé l'espace, le résultat est le même, mais la première option est la plus éclatante : seuls quatre duos, dans l'histoire sexagénaire de la Bundesliga, se sont montrés plus prolifiques que ces deux-là ! Le point d'orgue de cette entente a surgi contre Fribourg, peu avant Noël (5-1), avec trois passes décisives de Wirtz sur les quatre buts du Tchèque. Ce dernier qualifie de « rêve » la relation avec le prodige de 21 ans mais ce sont aussi ses propres qualités qui le rendent redoutable.

Solidité du jeu de tête, pied gauche affûté, pied droit plutôt sûr, intelligence des appels, mélange de puissance et de technique : la palette de Schick est plus complète que celle de Marmoush et Kane, les meilleurs buteurs des premiers mois de Bundesliga 2024-2025, qui dépendent nettement plus de leur pied fort. De surcroît, l'ancien attaquant du Sparta Prague a intensifié son travail défensif, couvre davantage de terrain et s'active au pressing suivant l'exigence de son entraîneur Xabi Alonso, qui ne manque pas de le féliciter publiquement dans ce domaine. C'est ainsi que Schick s'est arraché à ce rôle de remplaçant qui lui collait à la peau au long du premier tiers de la saison.

Tenace esprit critique

Les sacrifices n'ont pas été minimes, avec notamment le renoncement à l'appel du sélectionneur tchèque l'automne dernier, à deux reprises, pour se concentrer sur ses performances en club, à propos desquelles il conserve un tenace esprit critique – une qualité supplémentaire, sans doute. Dans ce cadre, la concurrence demeure forte, que ce soit celle d'un Boniface beaucoup plus athlétique ou celle d'un système sans avant-centre pur. Le Bayer, de son côté, ne tient pas forcément à conserver comme remplaçant de luxe un joueur au salaire élevé, dont le contrat s'étend jusqu'en 2027, et voit donc d'un bon œil, à court comme à moyen terme, la hausse des performances de l'ancien attaquant du RB Leipzig.