Que vaut Désiré Doué, le Français qui agite le mercato ?
Annoncé entre le PSG et le Bayern pour la bagatelle de 60M€, Désiré Doué agite le mercato d’été des deux clubs, et s’annonce comme l’un des U20 les plus valorisés sur le marché. Analyse de son jeu dans différents registres, avant un prochain changement d’environnement et de dimension.
Lancé en Ligue 1 à l’été 2022 à l’âge de 17 ans, Désiré Doué s’est progressivement imposé, la saison dernière comme titulaire, dans le cadre plus ou moins stable d’un Stade Rennais 10e de Ligue 1, éliminé en demi-finale de coupe de France par le PSG (0-1) et en barrage d’Europa League par l’AC Milan (0-3 – 3-2).
Annoncé au cœur d’une négociation tripartite entre son club formateur, le PSG et le Bayern, le milieu français pourrait être vendu 60M€ par le club breton cet été.
En deux saisons, l’espoir français a déjà connu deux participations à la Ligue Europa et a cumulé 1113 minutes en 2022-23 en Ligue 1, avant de porter ce total à 1624 minutes en 2023-24, devenant progressivement incontournable au fil de l’année 2024.
Alternativement positionné relayeur gauche d’un 4-3-3, voire d’un 4-2-3-1, Doué (droitier) a également souvent été aligné ailier gauche par l' entraineur rennais Julien Stephan. Cette année, le breton revendique 4 buts et 5 passes décisives, et jouit d’une belle côte. Analyse de son profil et de ses perspectives, alors qu’il s’apprête à monter de plusieurs échelons d’un coup dans la pyramide du football européen.
Tonique, puissant et fort dans les fondamentaux
L’un des matchs qui a lancé la réputation de Doué est certainement la victoire à Lyon de Janvier (3-2). Buteur et passeur, le natif d’Angers va faire étalage de sa palette : Aligné ailier gauche d’un 4231, il est trouvé en un contre un face à Clinton Mata. Il va faire mine de le déborder par l’extérieur, et choisit finalement de rentrer intérieur. Disposant d’un vrai temps d’avance et d’un espace qu’il va parfaitement identifier, il allume le gardien lyonnais d’une frappe lourde et parfaitement équilibrée.
Rarement blessé, Doué semble disposer de qualités athlétiques impressionnantes, qui servent son jeu avec ballon. Tanqué et tonique, le Français dispose d'une bonne capacité à résister aux charges. Il se distingue par ses frappes, ses passes précises et sa première touche clinique. À l’instar d’un Warren Zaïre-Emery, sa vivacité lui permet de bien et vite s’orienter pour recevoir le ballon, et la force de ses appuis lui permet d’ajuster des passes puissantes et précises.
Quelques minutes avant son but, le jeune français offrait à Martin Terrier le premier but du match, d’un ballon parfaitement ajusté en profondeur, après une belle interception :
Entré à la 83e lors de la défaite face à l’AS Monaco de Adi Hütter, Doué obtient un penalty après une remarquable prise de balle entre les lignes qui va pousser Y. Fofana à la faute :
Comme pas mal de joueurs de sa génération (notamment Warren Zaïre-Emery), Doué semble avoir été formé de façon très académique, et l’instinct ne joue pas une part énorme dans son jeu.
Baladé entre le poste d’ailier (naturellement plutôt intérieur) et celui de relayeur, mais dans les deux cas le plus souvent sur le côté gauche, Doué semble - pour l’instant - beaucoup plus à l’aise dans ce qui est statique, que dans ce qui est réalisé en mouvement, en dépit d’une appétence certaine pour le passement de jambe.
Halfspace gauche / entre les lignes
Titulaire au poste de relayeur face au PSG en Coupe de France, et à celui d’ailier lors du match aller face à Milan en Europa League (relayeur offensif au retour), Doué a peiné à véritablement impacter ces rencontres, et on peut identifier quelques zones d’inconfort rencontrées par l’espoir tricolore.
En dépit de sa première touche impeccable, le jeune français a eu du mal à enchainer de façon significative et à prendre de la vitesse, et ce dans plusieurs directions, selon son orientation :
D’abord, au moment d’être servi entre les lignes : orienté dos au but ou de ¾ dans le halfspace, Doué doit donc aller vers sa gauche pour s’engager sur le chemin du but. Une direction vers laquelle il peine souvent à identifier l’espace ou à jauger la pression adverse.
À chaque fois qu’il doit "deviner" ou "sentir" un espace à attaquer sur sa gauche, le Français sembler jouer à contre-temps, et se sert souvent prématurément de son bras pour se protéger.
Il n’aura au final, posé que très peu de problème à Florenzi et Kjaer dans cette zone du terrain, alors que les Milanistes clôturaient l’affaire dès l’aller, avec un Leao stratosphérique et létal, à l’extrême opposée du terrain. Même chose face aux Brestois et Kenny Lala, loin d’avoir vécu un calvaire lors du décisif et épique Rennes – Brest d’avril face au 3e de Ligue 1.
D’ailleurs, face à l’OL et C. Mata, c’est bien sur sa droite que Doué s’engage, conduisant le ballon de l’extérieur du pied avant d’allumer avec aisance.
Comme les défenseurs, les joueurs offensifs ont un œil plus fort que l’autre (ou du moins un côté sur lequel ils s’informent plus vite) : Doué semble être bien plus à son aise pour s’informer rapidement sur sa droite que sur sa gauche.
Aile gauche / servi à l’arrêt dans les pieds
Au-delà de ce qu’il peut produire dans le halfspace gauche (zone qu’il pourrait aussi occuper en tant qu’ailier intérieur comme de relayeur très haut), le Breton a également souvent évolué sur l’aile.
Même s’il a parfois su faire mouche dans cette position (dans des proportions statistiques raisonnables), Doué n’est pas naturellement à l’aise quand il est servi dans les pieds au large. Sa posture altière, le buste haut et droit (Doué mesure 1m81) n’est pas celle d’un ailier, prêt à passer son épaule sous celle de son adversaire. Servi au large, il reste assez statique, et si le défenseur ne mord pas dans la feinte (qui a eu raison de C. Mata), le latéral adverse peut assez facilement l’enfermer à l’intérieur, où une prise à deux l’attend.
Il n’aura finalement été impactant qu’une seule fois en débordant son adversaire sur l’extérieur cette année, face au modeste relégué clermontois.
Quel poste et quelle zone du terrain ?
Le but de Doué face à Toulouse est à la fois l’exception et la confirmation de cette tendance : au duel avec Mawissa, le Rennais s’enferme d’abord sur l’intérieur. Le défenseur se sur-engage sur l’intérieur, et c’est finalement un habile demi-tour sur lui-même qui permet à Doué de s’ouvrir l’espace pour frapper du droit. Sans avoir à trop s’informer sur sa gauche.
Ainsi, les jeux sont assez ouverts sur le poste que Doué pourrait occuper au PSG ou au Bayern. Le halfspace semble mieux lui seoir que l’aile, et on peut se poser la question du côté droit.
Deux actions significative ayant eu lieu dans cette zone : l’enchainement passement de jambe frappe surpuissante face à Clermont, et le penalty obtenu face à l’ASM. Deux séquences sur lesquelles le Français semble parfaitement à l’aise, alors qu’il semble souvent contraint à gauche.
En tenant compte de cette aisance évidente côté droit, il n’est pas à exclure de voir Doué se révéler dans un poste qui le ferait évoluer halfspace droit (relayeur offensif ou même ailier).
Le football a changé / S’affirmer et impacter
Où Doué se situe-t-il aujourd’hui dans la hiérarchie des youngsters de son âge ?
Pas forcément au niveau que son prix supposé (60 M€) indique. Evalué à 55M€, Kobbie Mainoo, était titulaire en finale de l’Euro et face à Man City en finale d’une Cup remportée à Wembley. Il est de 3 mois l’ainé du Français. On peut aussi penser à des profils comme Pedri ou Gavi, loin devant en terme d’accomplissement et de réalisation techniques au même âge.
En juin dernier, Doué est classé 7e meilleur joueur du monde né en 2005 par le journal l’Equipe. Devant des joueurs déjà internationaux comme A. Guler, M.Tel ou encore K. Yildiz…
La talent insolent de Kobbie #Mainoo 🏴 face à Van Dijk 🇳🇱
— Victor Lefaucheux (@Premieretouche) July 13, 2024
L’Anglais joue avec l’orientation de son adversaire, et lui fait croire à un ballon sur sa droite, avant de glisser le cuir dans un angle parfait qui casse l’alignement hollandais. pic.twitter.com/CuVQpPXyww
Propre techniquement, et puissant physiquement, Doué affiche une base qui ne demande qu’à être polie. Mais il ne s’est pas encore montré capable de changer radicalement la direction d’une rencontre (ou même d’une compétition) comme certains de ses contemporains cités plus haut.
Si ses réalisations sont propres, on peine encore à trouver un moment où il se donne les moyens de véritablement tromper un bloc adverse par l’orientation de son corps ou un choix de passe totalement inattendu.
À lui de dépasser cette dimension relativement scolaire, qu’on retrouve d’ailleurs chez certains de ses collègues, peut-être un peu trop vite abreuvés de "concepts-refuge" limitant leur expression intuitive.
Avec une concurrence plus rude, mais aussi des partenaires et un collectif plus forts autour de lui, nul doute que le contexte d’un top club européen saura réunir les conditions d’une progression sereine et échelonnée, qui permettra au français de montrer tout son talent et de réaliser tout son potentiel.