Le PSG a-t-il perdu toute son électricité ?
Dos au mur avec quatre petits points, et la perspective de ne pas figurer dans les trois premiers quarts du classement général de la nouvelle Champions League, le PSG est au bord du précipice. Pire, ce qui eut été un tremblement de terre il y a peu, ressemble à un non-évènement. Les déceptions accumulées, répétées, semblent avoir eu raison de l’attente, autrefois fiévreuse, autour du club parisien.
En acquérant le club rouge et bleu en 2011, le fond souverain du Qatar semblait mettre fin à ce qui ressemblait à une anomalie : le PSG, aussi populaire que clivant, souffrait d’un décalage entre son ancrage culturel et populaire, et ses accomplissements sportifs, bien trop faibles et irréguliers. La conquête d’un titre national relève alors du fantasme absolu pour chaque fan parisien, en dépit de régulières Coupes nationales, et de soirées surchauffées, illuminées par deux kops référencés en Europe. En bref, le sentimiento se substituait aux résultats durables, dans une dissymétrie qui ne pouvait plus durer.
Ainsi, dès son premier véritable mercato aux manettes, le Qatar va cogner, et secouer le marché des transferts européen et mondial. Le PSG change de dimension avec les arrivées surréalistes de Zlatan Ibrahimovic et Thiago Silva. Paris entame sa mue, écrit une nouvelle histoire, et va se créer une nouvelle identité.
Dream bigger
Malgré quelques fulgurances de la concurrence domestique, le championnat est immédiatement annexé. Dans un climat de domination quasi-institutionnel, le club parisien devient progressivement le plus populaire de l’hexagone et perd sa dimension marginale et atypique des années 90 et 2000, quand Marseille, puis Lyon étaient les capitales provinciales du football français. Le PSG préside donc désormais, sans rencontrer la structurante hostilité d’un véritable ennemi, le football de son pays.
Mais la tension compétitive, le rendez-vous avec l’Histoire, est donné le mardi et mercredi soir. Bien entendu, l’enjeu de cette tension pour Paris est de remettre les compteurs à zéro avec l’OM, jadis son rival, et seul habitant tricolore d’un étage au palmarès de la plus belle des compétitions. Paris va échouer en ¼ de finale de 2013 à 2016 avec Laurent Blanc, et fera même pire avec le pourtant très euro-compatible Emery en 2017 et 2018, dont le passage est marqué par le sceau de la dramatique remontée Barcelonaise. C’est un premier KO qui fera date sur la route de la gloire européenne. Pour autant, Paris a bien mis 4-0 au Barça (de Luis Enrique…) et ne passe pas loin de ramener une victoire de Santiago Bernabeu l’année suivante. Il eut été l’un des gros favoris du tournoi sans perdre le fil après la 88e min à Barcelone.
Le club rêve toujours grand et sa crédibilité va continuer à croitre, notamment par le grand artisan de sa disgrâce Barcelonaise.
Neybappe
Entre les deux saisons du Basque, le Qatar refait parler son impressionnante surface financière et saisit deux énormes opportunités de marché, avec Neymar, alors promis à reigner après l’ère CR7 – Messi, et Mbappe, étoile montante du foot planétaire, et qui sera champion du monde l’été suivant. Les blessures perturbent le rayonnement du Brésilien à Paris, et le PSG, après une phase de poule aussi chaotique que marquée par l’empreinte de son 10, chute de façon grotesque face à United, avec deux buts d’avance chez lui. Quand le COVID vide les stades du monde entier, le PSG de QSI n’a pas encore atteint les demi-finales de C1.
Ce sera chose faite en 2020 – à nouveau avec un Neymar de gala – donnant lieu à des célébrations mémorables à l’extérieur de l’enceinte parisienne. Le Brésilien sera le meilleur joueur du final 8, dans lequel Paris échoue en finale. Pour autant sans pouvoir capitaliser sentimentalement sur ce mini-tournoi, pour différentes raisons, notamment le diffuseur (RMC sport) forcément plus anonyme que Canal ou TF1. Toujours est-il que la Neybappe touchera ce soir-là le point culminant de sa houleuse collaboration, finalement très loin des attentes initiales.
Surclassé collectivement en 2021 par Man City, le PSG - toujours dans un stade vide - vit tout de même sa seconde demi-finale européenne consécutive, et – point central de cette réflexion – l’attente fiévreuse, l’hystérie européenne, est toujours présente.
Messi - Tic-Tac
Elle atteindra un pic d’intensité quelques mois plus tard, quand Paris saisit l’opportunité Léo Messi, en plus de résister au pressing du Real Madrid pour acquérir un Mbappe au sommet de son art. Le PSG sort renforcé de cet été victorieux. Avec sur le papier un trio d’attaque parmi les meilleurs de l’Histoire. Paris, se dit-on alors, ne peut que gagner. Tout autre résultat que la réalisation de son rêve initial relèverait du couac immense. Ici se situe peut-être le premier tournant fatal de l’ère QSI.
Pour la dernière saison de Champions League avant la Coupe du Monde organisé sur les terres de son propriétaire, Paris chute à Madrid après avoir contrôlé le match aller, et une bonne partie du retour Avec à nouveau un Mbappe stellaire, et un Neymar à peine de retour de blessure. Fébrile et sans résistance défensivement, Paris chute de très haut et redécouvre la douloureuse sensation d’être exclu du Top 8, alors que Madrid ira au bout, tout en panache. Pochettino – un autre rendez-vous raté avec le sentimiento PSG… - s’en va, et Christophe Galtier ne fera pas mieux, surclassé par le Bayern, juste avant le Top 8.
Au niveau domestique, Messi survole tout de même la Ligue 1, et débloque la situation face au dangereux OM d’Igor Tudor, par une passe de génie pour Mbappe. Paris prend son 11e titre et évite l’humiliation de voir l’OM atteindre ce total avant lui. Malgré ce coup de main providentiel, Messi s’en va, sans amour ni reconnaissance, et – fait surréaliste – on a l’impression que l’Argentin n’a jamais vraiment fait partie de l’Histoire du PSG.
13 minutes of Messi finding Mbappe on the pitch. pic.twitter.com/fkLt89ZPYt
— Ferid (@wcwinner22) November 28, 2024
Il faut dire qu’entre 2012 et 2024, la dictature de l’instantanéité s’est bien accentuée, et joue certainement un rôle dans le constat que nous allons dresser. Toujours est-il que le PSG pousse Messi et Neymar vers la sortie, en plus de Verratti, et change de braquet, congédiant ses stars et souhaitant construire autour d’Mbappe, une équipe dont le collectif serait la première force.
Lucho SG - Dembélé
C’est dans ce contexte que Paris recrute Dembélé à l’été 2023. Avec des profils plus sobres, le PSG bâtit une équipe plus "nationale". Tant bien que mal, après une phase de poule chaotique, il atteint, à nouveau, les demi-finales. Le départ houleux de Mbappe l’été dernier aurait dû achever de faire de Dembélé le leader de ce projet, lui qui fut, à Dortmund comme à Barcelone, un élément important, sans être le personnage principal de son équipe. Stratifié par un documentaire, Luis Enrique incarne la figure de proue du PSG, dont Dembélé émerge depuis l’été dernier comme l’élément créatif central et indispensable.
Lamentablement, l’ancien Barcelonais, qui sera suspendu mardi par la faute d’un rouge stupide et inutile à Munich, ne matche pas avec ce nouveau statut. Dans le jeu, Paris sait où il va. À droite du 3-2-2-3, le duo Hakimi – Dembélé est fonctionnel, mais c’est surtout le dernier geste qui pêche, en plus d’insuffisances défensives.
Problème : depuis, un moment, ce n’est plus seulement dans le dernier quart du terrain que Dembélé est en dessous des exigences que devraient lui conférer son statut. L’égalisation de l’Atletico a beau être heureuse dans un match à sens unique, les deux pertes de balle de Dembélé qui la précède ne sont ni celles d’un joueur dans le rythme de la Champions League, et encore moins dans l’obsession de la gagner.
On peut aussi questionner l’attitude de l’ancien blaugrana sur la perte de balle qui provoque l’ouverture du score de Noah Lang, face au PSV.
Où sont passés le stress compétitif et l’intensité dramatique ?
Du crucial PSG / Porto, dans lequel Ancelotti jouait sa tête, au dramatique épilogue du Camp Nou, en passant par le but de Demba Ba à Stamford Bridge ou ceux de Mbappe à Barcelone, l’Histoire récente du PSG est marquée par une forme d’attente et de tension extrême. Le match est un évènement, qui a son avant, et son après. Tant du point de vue des spectateurs, des relais que des acteurs, cette dimension semble en net recul.
Si Paris ne gagne pas demain, son aventure européenne est terminée. Combien de temps faudra-t-il avant que cette nouvelle soit littéralement expédiée ? Et que chacun retourne à son quotidien. D’ailleurs, on ne peut pas dire que l’avant-match soit marqué médiatiquement par une quelconque psychose, qui ne serait que le pendant proportionnel de la frénésie à laquelle on pouvait assister lors de la décennie précédente.
Zlatan, Thiago Silva ou encore Motta, dans leurs coups de semonce passés, tant internes que publics, - même s’ils n’étaient pas bénévoles - semblaient s’approprier le projet du PSG, et c’est certainement la dimension dans laquelle l’attitude des joueurs d’aujourd’hui tranche avec la leur.
Le "On laisse nos familles à la maison" est magnifique. La tête d'Henry...
— François David (@bcnFD) February 12, 2023
Naufrage total pour Marquinhos. https://t.co/dZ3PdZn7ao
Symboliquement ou non, 13 ans après l’acquisition du club, QSI en a cédé une partie à un investisseur américain (12,5%), et n’est plus le propriétaire exclusif du club, après avoir passé avec succès le cap de "sa" Coupe du Monde, où Mbappe et Messi se sont retrouvés en finale.
Sans son meilleur élément, et avec un coach – volontairement – en première ligne, dont bon nombre des observateurs attendent (désormais…) la chute, le PSG est au bord du précipice d’un point de vue sportif, même s’il garantit (à nouveau cette semaine, par la voix de son président) que ce résultat éventuel n’affecterait pas sa vision à long terme. Le camouflet serait bien entendu énorme, quoique – et c’est bien là le fait le plus marquant – possiblement pas si retentissant dans les esprits, les discussions et le ressenti général.
Dans une logique quasi-karmique, le club de la capitale, malgré des investissements pharaoniques semble avoir déjà raté tous les rendez-vous qu’il avait sollicités avec la Grande Histoire du football. De quoi se demander si ce PSG-là n’était pas destiné à échouer…