Pourquoi Leverkusen patine
Auteur d'une série de matches nuls frustrants, le champion d'Allemagne a perdu le contact avec le leader bavarois. La magie de la saison passée s'est évaporée et l'entraîneur Xabi Alonso peine à retrouver la recette du succès.
Toujours gagnant, ou presque, la saison dernière – qu'il avait terminée invaincu en marquant les esprits de toute l'Europe –, le Bayer Leverkusen a égaré la recette du succès. À force d'enchaîner les résultats nuls, il a perdu le contact avec le Bayern, qui compte désormais 9 points d'avance en tête de la Bundesliga. De surcroît, le scénario des matches est révélateur. Le 1-1 à Bochum, jusque là en perdition, le 9 novembre, a été concédé aux visiteurs à la 89e minute après avoir mené toute la partie. Le 0-0 contre Stuttgart, une semaine plus tôt, était lui aussi très frustrant en raison de la copieuse domination des hommes de Xabi Alonso. Le 2-2 à Brême, fin octobre contre le Werder, s'est cristallisé à la 90e minute, après avoir mené deux fois au score, face à un adversaire qui n'avait jusqu'ici pas inscrit le moindre but de la saison au Weserstadion.
Il faut remonter au 19 octobre et la victoire contre Francfort (2-1) à Leverkusen pour retrouver un bout de match réellement digne de la saison passée, quand le Bayer étourdissait ses adversaires de passes et de réalisme. La journée précédente, le Werkself avait encore concédé des points chez lui contre un promu, Holstein Kiel (2-2), après avoir pourtant mené 2-0 dès la 8e minute de jeu. À force, l'entraîneur qui a mené l'équipe au doublé au printemps dernier peine de plus en plus à cacher son agacement.
Dès août, Xabi Alonso avait averti
Pas moins de 11 points ont ainsi été abandonnés en route cette saison par le Bayer après avoir mené et, pour la plupart, contre des équipes de bas de classement, celles-là même que le Bayern pulvérise. Un souci que rencontrent d'autres grosses écuries, de Leipzig à Dortmund en passant par Stuttgart, mais qui interpelle tant il était inexistant la saison passée. Et surtout au regard de l'effectif, renforcé cet été. 5 matches nuls sur les 6 derniers matches : le bilan est loin de celui d'une équipe de pointe. « Le classement, en ce moment, n'est pas mon principal souci », a lâché Xabi Alonso avant la trêve internationale. Qui galère vraiment à identifier les raisons de ces calages à répétition et dont l'équipe ne parvient pas à retrouver ces certitudes qui faisaient d'elle un monolithe imprenable l'an dernier.
L'origine des maux du Bayer se situe certainement dans la tête. Certes, certains joueurs sont revenus de l'intersaison sans être à 100%, tels Granit Xhaka ou Alejandro Grimaldo, plombés par l'Euro. Mais surtout, l'influx nerveux laissé durant toute la première partie de l'année 2024, à la chasse aux records, n'a visiblement pas été reconstitué. Les joueurs semblent moins frais, moins créatifs, moins faciles. Dès les matches amicaux de l'été, et en particulier la défaite contre Arsenal (1-4), le 7 août, Xabi Alonso avait averti : il allait falloir oublier les joutes de l'exercice précédent pour repartir l'esprit libre. Le fait que le Bayer perde des points contre des équipes de bas de tableau est révélateur : quand ils n'affrontent pas un adversaire de tout premier plan, les joueurs ne donnent pas leur maximum.
« Un mélange de beaucoup de choses »
Une attitude que Xabi Alonso, connaissant sa propre mentalité, ne digère pas. Volonté et engagement sont en question, même si Robert Andrich, le robuste milieu de terrain international, tempère : « Notre mentalité n'est pas à mettre en doute. Seulement, il nous manque la volonté de ne pas encaisser de but. » Une mission menée à bien à plusieurs reprises (Iéna, Feyenoord, Elversberg, Milan AC, Stuttgart) mais, effectivement, la défense du champion d'Allemagne en impose moins que la saison dernière. Et cette incroyable assurance, sans doute en partie inconsciente, de pouvoir renverser toutes les situations, garante de tant de succès tardifs et d'un invraisemblable refus de la défaite en 2023-2024, s'est évaporée. Pire : c'est l'inverse qui se produit, avec ces innombrables points lâchés dans les dernières minutes.
Le 1-1 contre Bochum est, à ce titre, éclairant : le Bayer menait 1-0, maîtrisait son sujet avec calme et fluidité mais n'a pas fait l'effort de se mettre à l'abri, comme si la victoire allait naturellement découler de l'ouverture du score. « Nous nous étions dit, à la mi-temps, que nous allions avoir besoin d'un second but », a dévoilé le coach après coup. En vain. La saison dernière, cette perte de contrôle aurait été inimaginable. Il a manqué, selon Xabi Alonso, « notre intensité, notre croyance en nous-mêmes, la capacité à faire un pas de plus vers l'avant plutôt que vers l'arrière. » Les raisons ? « Le réalisme, l'attitude, un mélange de beaucoup de choses », estime le gardien et capitaine Lukas Hradecky. « J'aimerais analyser, j'aimerais comprendre ce que nous pouvons faire différemment », a lâché son entraîneur, un peu désarçonné, après le dernier match de championnat. « Le plus dur n'est pas de devenir n°1, c'est de s'y maintenir », avait avoué en son temps Andre Agassi. Un défi à la hauteur de Xabi Alonso.