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Analyse Football

Nottingham Forest – La plus grosse surprise de Premier League

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Club historique au passé glorieux, et entouré par un certain mysticisme, Nottingham Forest a coché le profil parfait il y a un an en la personne de Nuno Esperito Santo. Drivés par une mentalité exceptionnelle, les Reds sont troisièmes de Premier League. Avec un projet de jeu concret et logique et une pédagogie académique et efficace, Nuno a installé une culture de la constance et du dépassement qui fait certainement, au moins, autant de différence que le tableau noir

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Une équipe soudée aux principes clairs, Nottingham est la grosse surprise de cette saison en Premier League. © IMAGO/Sports Press Photo

Le constat est valable à d’innombrables reprises, chaque semaine, à tous les étages de la pyramide du football : la finesse tactique ne pèse pas bien lourd lorsque des valeurs plus prosaïques, comme le sérieux, le don de soi et la solidarité ne sont pas au rendez-vous.

Avec un discours raisonnable, et éprouvé par un destin de joueur et d’entraineur assez anonyme, Nuno n’idolâtre ni concept ni méthode, et ses yeux ne quittent jamais leur orbite lorsqu’il parle de son travail. Gardien remplaçant du Porto de Mourinho, il est l’historique premier client du super-agent Jorge Mendes. Comme il le dit avec auto-dérision, c’est autant du but que du banc qu’il a pu forger ses idéaux sur le jeu. Deux angles propices pour l’analyser en profondeur. Structuré par un parcours sinusoïdal, le coach Portugais a les pieds sur terre, et dégage une certaine maitrise de l’environnement professionnel complexe dans lequel il évolue. Aux antipodes du marketing du tableau noir, son champ lexical est celui de l’adversité, de l’effort et de la consistance, "ce qu’il valorise le plus" selon ses propres mots.

Une vertu qui propulse le club de la forêt de Sherwood, de façon éclatante cette saison. Avec un projet basé sur l’équilibre, et des joueurs en progrès constant, Forest fait pencher tous les gains marginaux de son côté.

L’Atlético de Premier League

Classement surprise ? Pas à en croire son leader offensif Morgan Gibbs-White, déjà sous les ordres de Nuno à Wolverhampton. Interrogé récemment sur le sujet, l’Anglais répond du tac-au-tac : « Non (pas surpris d’être bien classé), cela a toujours été notre objectif depuis que le manager est là. (…) On savait qu’il avait une haute ambition pour l’équipe, et qu’il voulait nous la transmettre, on voit que ça commence à payer. ».

Ce n’est rien de le dire : les statistiques que revendique Forest ne sont pas ceux d’une équipe au jeu léché :

19e au classement de la possession moyenne et à celui des passes réussies, les Reds sont inversement bien classés dans la hiérarchie des duels aériens (3e) et plus simplement des meilleures défenses de PL, 3e derrière Liverpool et Arsenal. Un trio de tête qui correspond d’ailleurs au véritable classement.

Lorsque Gibbs-White trompe la vigilance d’Onana à la 47e minute à Old Trafford pour porter le score à 2-0, ce n’est que le 2e tir des hommes de Nuno dans le jeu (les 2 en dehors de la surface), après une rapide ouverture du score sur CPA, autre domaine où ils excellent, tant offensivement (3e avec 7 buts marqués) que défensivement (1er, avec seulement 2 buts concédés).

Isoler (tous) les premiers relais

La formule dans laquelle la modeste équipe des Midlands déploie son 4-4-1-1/4-2-3-1 et obtient ce succès est aussi atypique qu’efficace. Un savant mélange de marquages individuels et de zone, dans une approche ultra-réactive.

Premier élément net : une absence claire de pression sur les premiers relanceurs adverses. Gibbs-White et Wood ont pour mission d’isoler les premiers relais adverses, coupent les passes qui pourraient leur être destinées, et laissent clairement l’initiative du jeu à l’adversaire.

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Face au 3-2-4-1 de United, le job de Gibbs-White et de Wood est avant tout de couper Ugarte et Mainoo, sans appliquer la moindre pression sur les centraux

Au cœur du jeu, on le voit nettement face à United, les 2 milieux cherchent également des repères individuels et opèrent des marquages très serrés. En l’occurrence sur les ailiers intérieurs Bruno Fernandes et Garnacho. Celui qui se présente du côté de la balle est traqué individuellement par son référent.

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Alors que le ballon est sur le côté, Bruno Fernandes, est pris en charge individuellement par Anderson, alors que Yates vient se tenir prêt à récupérer Mainoo ou Ugarte si un attaquant sort. Le carré créatif de United au cœur du jeu est réduit à néant.

D’une façon ou d’une autre, les Reds cherchent toujours à matcher ce "carré" que l’adversaire cherche souvent à créer au cœur du jeu, la structure [3-carré-3] revenant souvent au moment où l’adversaire pose le jeu, dans différentes déclinaisons.

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Forest annihile le jeu entre les lignes de United. On voit que Bruno et Garnacho sont gérés individuellement par Yates et Anderson

Courses anti-intervalles

Autre point qui semble particulièrement vu en amont : la capacité à former une ligne de cinq à l’arrière, par l’aide d’un milieu ou d’un ailier, qui s’incorpore dans le back4. Avec un objectif clair : empêcher l’adversaire de trouver des positions intermédiaires entre le central et le latéral d’une défense à quatre écartelée par sa largeur. 

Ce genre de projection est bien entendu légion en Premier League, à l’image du jeu explosif de Liverpool, où la largeur des Salah / Diaz offre très souvent à Trent ou à un milieu le loisir d’attaquer frénétiquement cet espace intermédiaire. Cet espace, Forest ne l’abandonne jamais.

Pas de changement de marquage, ou autre moyen de se défausser pour les milieux de terrain. Les courses sont suivies, les adversaires sont traqués, et ne peuvent pas tabler sur un excès de passivité au moment de conserver une structure. Les hommes de Nuno sont d’ailleurs les seuls à s’être offert le scalp des Reds cette saison, avant le retour de ce soir. De l’autre côté du terrain justement, il suffit de constater les insuffisances récentes de Trent pour s’apercevoir qu’au-delà d’un projet de jeu, la consistance est souvent l’élément déterminant de tout succès.

Les gestions en bloc haut et bloc bas sont ainsi liées de façon cohérente par la volonté de ne pas être dans "l’excès de zone" : le joueur pris en charge au cœur du jeu n’est jamais lâché au moment de se projeter. On le voit face à Villa : si la formule peut changer, l’objectif reste le même : annihiler toute possibilité de 3e homme ou de jeu dans les intervalles pour l’adversaire. Les hommes d’Emery, également habitué à former ce fameux carré, sont également pris à la gorge, tout en ayant le bénéfice du cuir.

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Forest abandonne toute pression sur la première relance, et s’emploie à nullifier les relais au cœur du jeu.

Cette fois-ci c’est l’ailier droit Dominguez qui prend en charge McGinn dans le halfspace gauche, alors qu’Anderson prend en charge Rodgers de l’autre côté. Gibbs-White et Yates limitent Kamara et Tielemans devant la défense, produisant la même possession stérile et sans rythme.

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Les marquages de Forest face au carré de Villa. Les latéraux devant s’engager au large, l’écart pourrait se créer entre eux et les centraux, mobilisé face à Duran…

L’adversaire pourrait tirer profit cette "déstructure" en attaquant l’espace dans cette défense qui s’écarte, mais là encore – et cela fait le lien avec le discours de Nuno, dans lequel le concept est clairement subordonné à la détermination – il n’en est rien : Forest démontre une constante habilitée à défendre cette largeur à cinq par l’apport d’un milieu.

On le voit ci-dessous avec la gestion du duo Digne – McGinn : le latéral droit Aina s’engage dans un premier temps sur l’Écossais, puis récupère Digne et "rend" McGinn à Dominguez. Lorsque McGinn tente d’attaquer l’espace entre Aina et Milenkovic, Yates le traque et annule la passe vers lui.

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Forest s’organise pour gérer Lucas Digne au large, sans jamais lâcher McGinn (#7) dans l’intervalle

À la base, Yates est préposé à presser Kamara. Il est remplacé par l’avant-centre Chris Wood : un exemple parfait de marquages serrés, mais intelligents, en fonction de la position de la balle.

Même chose avec la course de Rogers ici :

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On comprend mieux comment Forest a pu être la seule équipe à gérer les Reds et leurs explosifs et incessants appels verticaux :

Organisés dans leur traditionnel 4-4-2 avec un milieu à 4, composé à 100% de joueurs intérieurs [Anderson / Ward-Prowse / Yates / Dominguez], les tricky trees ne vont absolument rien laisser aux Reds, leur offrant de loin la meilleure résistance défensive de la saison en PL.

Alors qu’Alex Moreno avait, forcément, un job pivotal à effectuer au moment d’aller cadrer Salah le long de la ligne, Anderson n’a jamais laissé Trent créer de surnombre dans son dos.

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Anderson (ailier gauche) suit la projection de Trent et se joint au back4 alors que Salah est face au jeu

On le voit quand le ballon bascule : Jota est impeccablement cadré par Dominguez (milieu droit), alors que Yates ne lâche pas la course de Robertson.

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Collectivement, on remarque que l’alignement est tout de même une vertu collective de Forest, qui ne pourrait pas se contenter de suivre excessivement les courses, au risque de trop reculer et d’ouvrir des espaces.

Mais au-delà de ces vertus partagées de la structure et du marquage, ce qui marque (et colle également avec le discours de Nuno, souvent porté sur la progression des joueurs et leur développement), c’est le nombre d’impeccables comportements individuels, laissant à penser que Nuno et son staff travaillent autant sinon plus sur les joueurs que sur le système :

- La contention de Dominguez, sur la pointe des pieds, bien orienté, pour gérer un éventuel turbo sur l’extérieur, et prêt à changer de direction

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- Ci-dessous, la gestion de parfaite de Szoboszlai par Milenkovic (DC droit) : dynamique et toujours bien placé et orienté, pour garder en vue le Hongrois, et l’empêcher de lui passer dans le dos, ou de le prendre de vitesse avec un appel diagonal.

- Même chose pour l’autre central au second plan ci-dessous, le prometteur Brésilien Murillo face à la course courbée de Jota

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=> Élément de comparaison en demi-finale de l’Euro, avec Kolo Muani qui prend le dos de Laporte sur un service de Mbappe :

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- Les deux centraux sont parfaitement couverts par Alex Moreno, qui intervient de la tête devant Jota.

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Une "simple" gestion de l’espace qui, décrite comme cela de but en blanc, peut sembler banale. Mais dans un jeu d’erreurs comme le football, le niveau d’excellence et de consistance auquel Nuno emmène son équipe, est extraordinaire.

Jeu long à propos - transitions monstrueuses

Naturellement, dans un championnat intense comme la Premier League, être performant dans la "défense placée" ne suffit pas pour conquérir autant de bons résultats. Si les héritiers de Robin des Bois sont costauds face au ballon, ils le sont également lorsque leur bloc est coupé en deux par les transitions, alors qu’ils ont souvent recours au jeu long. D’ailleurs, s’ils prennent si peu de buts – et donc si peu de buts en contre – c’est avant tout grâce à la configuration qui est la leur avant d’allonger, ou du moins de verticaliser. Nuno insistait d’ailleurs sur les progrès de son équipe dans "la prise de décision" après le succès face à Tottenham à qui – de fait – Forest n’a rien offert en transition.

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Que ce soit sur les 6m, les dégagements du gardien on les initiatives longues des défenseurs, le milieu prend toujours le temps de se calquer sur celui de l’adversaire, alors que la défense met préventivement les attaquants hors-jeu. Bien entendu, cela donne des duels qu’il faut assumer, comme Moreno ici face à Salah :

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Long dégagement sous pression de Milenkovic. À la tombée, Van Dijk est gêné par Chris Wood et a treu peu de solution, avec les 3 milieux de Liverpool marqué préventivement, ainsi que Salah par Moreno, très proche de lui, et qui va impeccablement gérer cette situation de transition
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Le genre de séquence qui trahit une pédagogie académique, efficace et concrète. On voit bien que le latéral suit un plan par étape : coupe la course de Salah et ne cherche pas à intervenir à l’emporte-pièce.

Des bonnes habitudes qui finissent par pousser les défenseurs adverses à la faute, comme on l’a vu récemment à Everton, où Doucouré finit par remettre un long ballon sur Elanga.

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D’un point de vue individuel, Morgan Gibbs-White émerge comme la figure de proue technique et créative du projet. Déjà sous les ordres de Nuno à Wolves, l’Anglais a connu sa première sélection cette année, et représente une porte de sortie précieuse lorsque l’adversaire applique son contre-pressing après ces innombrables séquences défensives accomplies.

À l’image de son match face à Tottenham, où il a bonifié un grand nombre de ballon, offrant le but de la victoire à Elanga, après une gestion parfaite des projections des Spurs. On voit d’ailleurs que la prise en charge de Kulusevski par Anderson est payante.

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Espírito Santo - la Baraka

On a pu le vérifier avec les déboires défensifs de Man City, la Premier League est extrêmement exigeante en termes de course, et même les plus grosses cylindrées passent à la caisse lorsqu’elles n’atteignent pas les standards d’efforts requis à ce niveau. En mettant en place une animation défensive à la fois adaptée aux organisations modernes et aux tranchant dans les courses verticales – dont Liverpool incarne bien la combinaison – Nuno a tapé dans le mille, et a construit une équipe ultra-solide.

Dans une époque où l’entraineur n’est souvent analysé que sous le prisme de la complexité tactique, les résultats ne sont pas toujours alignés avec les attentes, et on voit bon nombre de managers bien plus annoncés que Nuno se casser les dents sur le mur de la réalité, notamment dans l’aspect défensif. Tout comme dans l’aspect mental, forcément décisif si on travaille dur tactiquement des deux côtés. Avec les prédispositions qui sont les leurs (Gibbs White confie dans l’interview plus haut que le vestiaire de Forest cette année est le meilleur qu’il n’a jamais fréquenté), les trickytrees attirent le succès. La consistance et la régularité sont leurs meilleurs alliés. Pas besoin de chercher bien loin à haut niveau pour voir qu’elles ne coulent pas de source.

Ils sont à 6 points de Liverpool, qu’ils reçoivent ce soir. Une victoire les rapprocherait toujours plus d’un féérique retour dans la plus belle des compétitions, qu’ils ont gagné deux fois de suite au début des années 1980, après une fulgurante épopée qui les mena de promu à double-champion d’Europe en seulement quatre ans.

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