skysport.ch
Sky Sport

Regarder le sport en direct sur

Sky Sport
Analyse Football

Manchester City, c’est quoi le problème ?

victor

Fait inédit, le City de Guardiola vient d’enchainer cinq défaites. Privés de leur colonne vertébrale, les Citizens, habituellement intraitables sans ballon, semblent avoir perdu leur assise. Tentative d’explication des enjeux qui les font dangereusement basculer hors du contrôle qui les caractérisait jusqu’alors

MainPic'Header
Guardiola a beau s’époumoner rien n'y fait son équipe n'y arrive plus © IMAGO / PA Images

Tactique vs décisions

Vainqueur du trophée suprême en 2023, City concluait une campagne exceptionnelle d’un point de vue défensif : un seul but encaissé dans le jeu sur sept matchs d’une phase finale sans répit. Il y a quelques semaines, les skyblues – au complet – faisaient encore étalage de leur solidité en Premier League, ne laissant aux Gunners que des miettes, et ne concédant de véritable décalage que sur un roublard coup franc vite joué, et cédant sur un corner.

1 - city gere arsenal

Ainsi, le débat strictement tactique ne peut raisonnablement faire sens : les Citizens savent où ils vont défensivement. Avec un coach installé, leurs mécanismes d’adaptation sont forcément rodés, avec quatre couronnes nationales consécutives. Il convient de rappeler, pour bien situer le contexte, au regard de la qualité de résistance au pressing de Maddison et Kulusevski, que Tottenham était 10e avant le coup d’envoi, ce qui situe le niveau d’adversité quotidienne en Premier League.

Ainsi – et surtout face à une équipe polymorphe comme Tottenham – empêcher totalement l’adversaire de sortir de la pression haute est un vœu pieux en PL. C’est littéralement impossible. Il y aura toujours, inéluctablement, quelqu’un face au jeu en face.

2 - tottenham sdb niveau hard

Et cet objectif, ou plutôt cette utopie, appartient au registre purement tactique. Que ce soit au milieu ou en défense, les deux points que nous aborderons ici, il convient surtout de savoir gérer les inévitables moments de déséquilibre, et c’est certainement dans ces instants aussi fugaces que décisifs, que City faillit.

Milieu : ce qui manque, en l’absence de Rodri

Comme nous l’indiquions ici avant la finale de 2023, après avoir écarté ses défenseurs créatifs, City s’est orienté vers une formule à quatre centraux. Le milieu défensif complétant un premier groupe de cinq joueurs défensifs, alors que les cinq autres sont tous de purs offensifs.

Rodri (remplacé numériquement par Kovacic, blessé à son tour…) est donc le premier « 1 » du 4-1-4-1, en protection de cinq purs offensifs. Au-delà des multiples adaptations auxquelles City souscrit.

Un rôle bien entendu importantissime, à deux égards : Physique et technique.

Le 6 : efforts et contre-efforts :

City évolue donc dans un univers où l’exigence, toujours plus haute, fait monter les standards de sortie de balle de tous les adversaires, sans parler de l’apport désormais systématique du gardien.

3---2620-gundo-high
Les sorties de balle de Tottenham, qui place ici deux milieux dans sa surface, aspire le cœur du jeu de City

Tous les offensifs sont donc aspirés. Ainsi, la pointe basse doit emboiter le pas, et souvent produire un premier effort vers l’avant, pour aider les attaquants à presser sans être balayés par la qualité adverse.

4---sdb-totnam-regroupé-vs-city
Exemple d’une sortie de balle (schéma de la capture plus haut) qui aspire Gündoğan loin de sa défense, par le mouvement et le décrochage de Maddison

Une première dépense qui se conjugue à une seconde, bien plus couteuse, vers l’arrière. Lorsque l’adversaire se sort de ce pressing. Un contre-effort vital pour gérer ce que certains appellent « déséquilibre partiel », lorsque le premier rideau de pression est vaincu.

5 - contre effort gundo
Énorme contre-effort nécessaire (notamment pour Gündoğan), alors que Tottenham se sort du pressing haut

Aligné 6 d’un 4-3-2-1 qui semblait adapté à la structure défensive de Postecoglou, Gündoğan a sombré devant la défense, et particulièrement dans le registre du contre-effort.

On le voit à travers le geste remarquable de Maddison plus haut : face à une telle habilité à sortir de la pression, la défense (de City) se retrouve vite exposée face à un porteur libre de jouer vers l’avant. Pour l’aider à contenir les projections adverses, un 6 capable (ne serait-ce que…) de matcher le tranchant des appels adverse est indispensable.

Largué par l’appel tranchant de Maddison sur le premier but, l’Allemand a été dépassé dans ce registre samedi soir :

En contrôle du remuant relayeur londonien, alors que Drăgușin s’apprête à jouer long sous pression, Gündoğan va - en l’espace de trois secondes - totalement perdre le contrôle de Maddison :

6---1250-a-gundo
Positionné en 6, Gündoğan doit contenir la projection de Maddison, après que Kulusevski ait pu se tourner vers le but
7---1225-a-gundo-2
L’Anglais déclenche un appel terrible. Dépassé, l’Allemand ordonne à John Stones de gérer l’espace que Maddison va attaquer
8 - gundo 1 0 gif
Gündoğan, initialement au contact de Maddison, ne peut matcher le tranchant de l’appel de l’Anglais au moment de courir vers son but

Le scenario va se reproduire dans le calvaire sabbatique de l’ancien culer. La notion de contre-effort est particulièrement criante sur l’occasion de Solanke, qui aurait pu, ou du, porter le score à 3-0.Le scenario va se reproduire dans le calvaire sabbatique de l’ancien culer. La notion de contre-effort est particulièrement criante sur l’occasion de Solanke, qui aurait pu, ou du, porter le score à 3-0.

9---2722-a
Le 4141/4321 presse le 4-3-3 de Tottenham, qui ne s’est pas encore trop déformé. On voit Gündo prêt à charger Maddison, qui demande le ballon dans les pieds à son latéral gauche
10---2734-a
Tottenham recule, et opère des permutations. Gündoğan doit monter d’un cran pour neutraliser l’éphémère relayeur Udogie, alors que Maddison va se mettre long de ligne.

Alors que Davies darde une passe assassine pour Maddison, et élimine une première ligne, Gündo doit produire un second effort. Il s’en montrera particulièrement incapable, laissant le back4 exposé.

11 - gundogan largué 3 0 solanke
Image explicite à 27’37’’, Gündoğan abandonne sa défense et se montre incapable de produire un contre-effort à haute intensité vers son but

Le 6, Standards techniques :

Avec son style défensif, qui implique un échange fréquent de marquages adverses, à mesure que le bloc avance, les hommes de Guardiola ont la nécessité, à la fois d’être habiles dans le pur duel défensif (qui a vocation à voler le ballon), que dans l’interception (couper une passe) qui est également, en quelque sorte, une prise de balle.

Technique défensive, et toucher de balle, en somme. Et dans ces deux registres, City flanche également trop pour être compétitif, avec Rodri, Kovacic et De Bruyne sur le flanc.

12 - gundo transition off ratée
Les lignes de City se referment avec succès. Trouvé face au jeu par « l’interception – passe » de Stones, Gündoğan n’arrive pas à trouver Savinho dans de bonnes conditions, le ballon est reperdu par City qui fait faute. Tottenham progresse.

Alors que les adversaires se déforment de plus en plus avec la balle, la limite entre interception et duel est très ténue. D’où la nécessité - surtout pour le 6 - d’opérer avec efficacité dans ces réalisations décisives, pour véritablement transformer la phase défensive en phase offensive, et en danger pour l’adversaire.

Quand on met en perspective ces transitions offensives ratées avec les séquences de Rodri, on en vient à se demander, si ce n’est pas la phase du jeu où le colosse espagnol est le plus indispensable.

13 - rodri transi off v pool
Capable de bonifier en deux temps, avec peu de temps et d’espace, un ballon « entre-deux », Rodri est indispensable à City pour passer efficacement de la défense à la contre-attaque

Défense : ce qui manque, en l’absence de Dias

Comme évoqué plus haut, après le dur apprentissage de 2022, les Citizens ont basculé dans une autre dimension dans la phase purement défensive, avec un back4 100% défenseurs centraux, dont la coordination et les mécanismes de couvertures semblaient tutoyer la perfection.

On l’avait vu en détaillant ici les mécanismes qui permettaient à City de créer les situations de contre par des récupérations hautes : les défenseurs se montraient particulièrement à l’aise au moment de défendre à la fois l’espace devant et derrière eux.

14---offside-city-v-pool-2024
Le plan de City à Liverpool l’an dernier, basé sur un hors-jeu très haut. En jouant le contre (47% de possession), City se crée de multiples occasions, et écarte les Reds de la course au titre

Ainsi, une valeur émerge, et semble particulièrement recherchée par City : l’alignement.

15 - guardiola à stones consignes
Consignes de Guardiola à Stones pendant Liverpool – City 2024. Il insiste sur une défense alignée et compacte. Si Stones sort, il attend que le back4 resserre en restant, au maximum, aligné.

Un lieu commun souvent mentionné mais rarement défini. Pourquoi s’aligner ?

- Réduire le champ des positions légales par le hors-jeu

- Se situer en position idéale pour défendre autant devant que derrière soi

- Se situer sur la même hauteur (proches les uns des autres) pour se couvrir mutuellement (d’où les quatre centraux)

Ce qui implique de fuir deux écueils : se sur-engager vers l’avant, et se sur-engager vers l’arrière. Face à l’Inter à Istanbul, Dias et Akanji avaient particulièrement excellé dans cette double prérogative. D’ailleurs face à Liverpool, Stones (limite milieu) avait le loisir de défendre vers l’avant, c’était prévu. On le voit avec les consignes de Pep ci-dessus.

16 - city line liverpool
L’alignement de City fonctionne face à Liverpool. On voit qu’Akanji ne se sur-engage pas vers l’arrière, et ne couvre donc pas Darwin, piégé

Ainsi, au-delà de ces objectifs de jeu, qui appartiennent à la pure « tactique », les joueurs doivent, en fonction d’un certain nombre d’informations, choisir entre plusieurs comportements à adopter. Et parfois sortir de l’alignement et de la consigne.

En théorie, la « règle » veut que la défense avance, du moins s’aligne, si le reste du bloc parvient à limiter le porteur du ballon. A contrario, qu’elle se tienne prête à se déformer pour contrôler les courses, si la source est en capacité de jouer vers l’avant. Ce qui implique d’avoir la bonne orientation.

Mais à ce niveau, la marge est très fine entre la chose à faire en théorie, et un désastre.

Et nécessite donc une interprétation fine de ladite « règle » de la part du joueur.

À cet égard, les Citizens multiplient (en l’absence de Dias…) une erreur de jugement fatale : ils reculent excessivement (et surtout : trop tôt) lorsque l’adversaire est « quasi » capable de jouer vers l’avant, et ce « quasi » est à très dur à définir.

17---com-non-verbale-dias-arsenal
Le leadership et la communication, par le geste et la parole, de Ruben Dias, qui ordonne l’alignement à ses partenaires du back4

Cette erreur de jugement se paye en bloc médian/haut par la création d’espace entre les lignes, on le voit bien ici :

18---1557-a
Servi dans les pieds, Maddison est face au jeu. Il regarde au loin, alors que la défense de City se tient haute. On voit qu’Akanji est bien orienté pour contrôler un éventuel appel profond de Solanke
19---1558-2
L’Anglais arme, mais aucun des nombreux londoniens présents entre les lignes ne déclenche dans la profondeur. Pour autant, Akanji anticipe excessivement, et va ouvrir l’espace entre les lignes
20 - city lignes distendues
Les lignes de City se distendent, par excès d’anticipation. Akanji est trop prudent face à l’armée Ziyechesque de Maddison. Tottenham avance

La défaite à Brighton, et son rugbystique 3-1-6, porte également le sceau de ce recul prématuré.

Mais au-delà de cette prudence légèrement (mais fatalement) excessive en bloc médian-haut, c’est en bloc bas que ce recul est crucialement critique. C’est le cas sur l’ouverture du score de Maddison. Stones recule par prudence, mais trop tôt.

21---1257-a
Kulusevski a réussi à se mettre face au jeu. Akanji s’aligne dans un premier temps, et voit la menace Pedro Porro, qui commence à attaquer l’espace entre lui et Gvardiol
22---1258-a
Porro déclenche, mais Akanji recule bien trop tôt, par excès de prudence. Il fait reculer la ligne du hors-jeu, et va attirer Stones dans son sillage
23---1259-a
Kulusevski n’a pas encore armé son geste, mais Stones prend déjà l’initiative de reculer, face à la course de Maddison, qui a largué Gündoğan. Mobilisé par Son, Walker est trop loin
24---1259-1
Stones recule, tout en restant de face. Sa position est catastrophique alors que Maddison arrive lancé. Kulusevski a la qualité pour attendre, et trouver le dos de la défense

La gestion de Stones et Akanji est désastreuse pour City : Non seulement ils se sont privés de la possibilité de créer un hors-jeu, mais leur orientation (celle de Stones ici) les empêche d’épouser la course de Maddison, et de contrôler cet espace.

25 - maddison goal end

C’est le genre de situation où la gestion de Ruben Dias fait la différence. On le voit ci-dessous face au PSG :

26 - dias contrôle psg
Dias et Stones font en sorte de rester haut. Malgré la menace Mbappe, le recul n’est pas excessif. Les défenseurs Citizens partent assez tard pour ne pas préventivement ouvrir l’espace entre les lignes. Un espace où la présence de Rodri dissuade aussi l’adversaire.

C’est aussi criant au moment de gérer ces appels de Benzema puis de Lukaku. Le Portugais sait quand se figer pour jouer l’interception (ou le hors-jeu), et il reste dynamique pour ne pas subir cette passe assassine ave laquelle Kulusevski électrocute Stones ci-dessus.

27 - dias vs lukaku benzema

Tactique moins praxis = déséquilibre

 

En défense, comme en attaque, tout est affaire de parti-pris. Les équipes développent des habitudes, priorisent des comportements, et se coordonnent sur une certaine façon de hiérarchiser les priorités. Reculer, se retourner, s’aligner, sont des décisions instantanées qui dépendent d’une interprétation tout aussi instantanée de situations complexes. C’est là toute la délicatesse de la tâche pour l’entraineur, dans une dynamique négative : il doit donner, plus qu’une direction, une priorité, et des clés pour permettre aux joueurs d’interpréter les situations. Mais c’est bien à eux de le faire, et parfois de façon contre-intuitive.

La zone de turbulence traversée par City, qui n’a eu de cesse de customiser son modèle défensif, avec un travail théorique intense, nous confronte à une vérité incontestable lorsqu’on parle de système, de tactique, et même de micro-tactique :

Si le jeu appartient aux joueurs d’un point de vue créatif, il leur appartient aussi d’un point de vue défensif. Même avec la meilleure organisation du monde, ces décisions seront toujours le point de bascule entre équilibre et déséquilibre.

Orphelins du volume et de la propreté de Rodri, comme de celle de Kovacic et de De Bruyne, les Citizens ont perdu leur équilibre lors des moments verticaux. Sans leur patron derrière, ils peinent à protéger leur but et à rester haut.

Dimanche, ils retournent à Anfield, face à l’équipe la plus en forme d’Europe. Une équipe extrêmement verticale, asymétrique, face à laquelle, plus que jamais, conserver – malgré la menace - une structure pour bien défendre tous les espaces, sera primordial. Car à ce niveau, le danger (apparent) est partout. Et tout est question de lecture.

Notez l'article
3 Notes
Votre vote est compté.

Fil actu

À lire aussi

Afficher plus

Regarder le sport en direct sur

Sky Sport
Copyright Sky Suisse SA © 2001-2024. Créée par ewm EWM.swiss