Leverkusen, le défi de l'excellence
Il est clairement toujours la meilleure équipe d'Allemagne mais il vient probablement, malgré une large domination, d'abandonner son titre au Bayern Munich en partageant les points à domicile avec son rival du sud du pays, samedi (0-0). Le Bayer Leverkusen fait désormais face à un colossal défi : maintenir sur le long terme, pour briller en Ligue des champions, le niveau qui lui a permis de réussir le doublé Coupe-championnat la saison passée.
Il l'a montré samedi en malmenant de bout en bout le Bayern dans le match au sommet du championnat, le Bayer Leverkusen est bien toujours la meilleure équipe d'Allemagne. Mais en ayant abandonné des points ici ou là, par inadvertance, nonchalance ou simplement un relâchement très humain après une saison de records, il n'est plus en mesure, sauf miracle, de conserver le titre brillamment conquis au printemps dernier. 2025 sera dès lors une année de vérité : le club des bords du Rhin peut-il maintenir sur le long terme le niveau d'excellence qu'il a atteint ces derniers mois, s'installer comme le rival du Bayern et s'affirmer sur la scène internationale ?
C'est fin 2022 que l'incroyable success story de 2023-2024 trouve ses fondements. Simon Rolfes, ancien joueur charismatique du club devenu directeur sportif, façonne alors en compagnie du patron du recrutement Kim Falkenberg le groupe qui va survoler le championnat et la Coupe d'Allemagne la saison suivante, ridiculisant tous ses adversaires à l'exception de l'Atalanta, sublimé par Ademola Lookman, en finale de Coupe d'Europe. En enrôlant à l'été 2023 Granit Xhaka, Alejandro Grimaldo, Victor Boniface et Jonas Hofmann, les recruteurs du Bayer font carton plein. L'équilibre entre créativité et impact est parfait et le Bayer, euphorique, invincible, plane sur la Bundesliga.
De Demirbay à Wirtz... et après ?
Aussi éclatante paraisse-t-elle a posteriori, cette masterclass sur le marché des transferts n'est rien au regard du chantier qui attend le Bayer cette année. En deux ans, le Werkself est devenu une référence au plus haut niveau et l'exigence, à cette altitude – celle à laquelle se gagnent les trophées, une nouveauté pour Leverkusen –, s'accentue singulièrement. Remplacer de bons joueurs comme Kerem Dermirbay, Nadiem Amiri ou Mitchel Bakker par de meilleurs éléments, comme en 2023, c'est une chose ; compenser les départs de joueurs de premier plan comme Jonathan Tah, Nordi Mukiele ou, a fortiori, Florian Wirtz, c'en est une autre. Le premier cité n'en fait plus mystère depuis longtemps, il souhaite quitter, libre, le club en fin de saison. Le second, prêté par le Paris Saint-Germain, coûte trop cher en salaire pour rester. Et comme l'Ivoirien Odilon Kossounou, prêté à Bergame, n'a guère envie de revenir au Bayer et que le capitaine de l'Equateur Piero Hincapie, sous contrat jusqu'en 2027, serait libre moyennant une petite quarantaine de millions de francs, de même que le dragster néerlandais Jeremie Frimpong, le chantier défensif s'annonce complexe et ardu.
La clef de voûte de l'édifice, qui a permis de maintenir l'effectif et le niveau proche des sommets cette saison, est évidemment Xavi Alonso. L'entraîneur basque n'a encore envoyé aucun signal à ses dirigeants indiquant qu'il souhaite s'en aller mais ces derniers doivent forcément anticiper un tel scénario. Au vu du bilan et des qualités de l'ancien joueur du Bayern, on comprend aisément que son patron et compatriote Fernando Carro se démène pour le conserver au moins jusqu'au terme de son contrat, en 2026. Mais le Real, surtout si Carlo Ancelotti flanche, se fera fort de conter fleurette au technicien de 43 ans. Le Basque parti, le Bayer jetterait probablement son dévolu sur Sebastian Hoeness, devenu en peu de temps lui aussi un coach de premier choix.
Un secteur offensif à revoir
Le dossier de l'entraîneur, aussi paradoxal que cela puisse paraître, n'est donc pas le plus délicat à traiter. Celui de l'attaque l'est davantage. Rien ne garantit que Patrik Schick et Victor Boniface – le Nigérian était déjà à deux doigts de filer dans le Golfe cet hiver –, restent en Rhénanie. Financièrement parlant, le club ne souhaitant pas assumer un gros salaire pour un remplaçant, si l'un reste, l'autre partira. Mais la question de l'avant-centre n'est pas le seul chantier à venir : que Florian Wirtz, sous contrat jusqu'en 2027, quitte le club l'été prochain ou non, les dirigeants du Bayer entendent lui ménager un successeur dès cette année. Le challenge, évidemment, est monumental, et les joueurs de ce niveau se comptent sur les doigts d'une main. Le club a déjà tenté le coup en janvier 2024 avec Désiré Doué, en vain. Aujourd'hui, ce dernier est financièrement inaccessible.
Le départ d'une majorité des joueurs cités, et notamment celui de Wirtz, coté au minimum à 150 millions de francs, assurerait au Bayer des recettes supérieures à 200 millions. Le passé récent a montré que les dirigeants du club savent réinvestir de telles sommes. En janvier 2020, avec les 100 millions récoltés dans le transfert de Kai Havertz vers l'Angleterre, ils avaient enrôlé Edmond Tapsoba, Exequiel Palacios et Florian Wirtz ! Mais les obstacles, aujourd'hui, sont multiples, entre les prix qui gonflent devant un porte-monnaie ventru et la nécessité de posséder des joueurs formés localement qui, tels Paul Wanner ou Angelo Stiller, sont peu nombreux à ce niveau. Une fois encore, la créativité de la cellule de recrutement du Bayer devra faire la différence, sous peine de redevenir rapidement un aimable participant à la Ligue des champions parmi d'autres.