Les 3 manques fatals du PSG face à Liverpool
Ultra-dominateur, et ce dans proportions statistiques inédites, PSG n’a pas su faire la décision, avant d’être cueilli en fin de match, totalement contre le cours du jeu. Soumettre ainsi le leader de la saison régulière et futur champion d’Angleterre est un tour de force collectif, forcément nuancé par certaines timidités dont il faudra se départir au retour. Retour sur trois manques parisiens face aux Reds.
L’avant-dernière passe : adresse et spontanéité
Nous l’avions allègrement approfondi dans cet article : le PSG de Luis Enrique est un mélange d’amplitude et de petit jeu, de symétrie et d’asymétrie. Si la phase de préparation des Parisiens - basée sur la largeur des "5 dehors" - laisse entrevoir une équipe structurée et symétrique, le moment où ils verticalisent et changent de rythme – incarné par le "5 intérieur" – se caractérise quant à lui par des surcharges dans de petits périmètres, et donc une géométrie différente, de passes, et de passes potentielles.
Si le PSG ajuste son jeu de position selon les organisations défensives adverses, cette notion de "surnombre" face à la défense revient en permanence. Le joueur au large qui plonge profitant souvent d’une confusion chez le central adverse, bien obligé de sortir face à plusieurs solutions pied entre les lignes.
Face aux Reds, avec le ballon, le PSG semblait prioriser une sorte de 3-1-3-2-1, c’est-à-dire qu’à l’intérieur du jeu, Vitinha était plus bas, un positionnement surement prévu pour correspondre avec son rôle défensif. Neves était assez libre et assez haut, tout comme Ruiz entre les lignes. Ailier droit et avant-centre en théorie, Kvara et Dembélé occupaient chacun un halfspace, le gauche pour le Français et le droit pour le Géorgien.
Le plan semblait clair face au bloc toujours très compact latéralement des Reds : Les deux excentrés/extérieurs du PSG mobilisaient Trent et Robertson, prompts à sortir sur le temps de passe, alors qu’avec ces quatre joueurs (Dembélé, Ruiz, Neves, Kvara) entre les lignes, le PSG s’offrait la possibilité de créer à la fois des lignes de passes pour jouer entre les lignes, et les habituels "L1-triangle", qui ont tant de fois fait mouche cette année pour lancer les excentrés vers le but.
Nécessairement, lorsqu’une équipe crée une densité à un endroit ou à un autre du terrain, le niveau de compétence technique doit monter. Une passe implique toujours un mensonge du passeur, avec plusieurs possibilités. Collectivement, le fait "d’entasser" ainsi ses cibles potentielles lui crée, en réalité (malgré la moindre largeur), un éventail plus fourni de lignes de passes, car la profondeur vient – par la force des choses - s’ajouter à l’équation. Être capable de concrétiser l’une de ces lignes, tout en accomplissant le nécessaire mensonge du corps (sous peine d’être trop lisible), sera plus difficile que dans un schéma plus symétrique. C’est clairement à cet égard que ça coince offensivement pour Paris, et notamment Vitinha, qui va rater une belle – et rare ! – occasion d’envoyer Kvara défier Alisson à la 10e minute :
Alors que le pressing haut du PSG a (globalement…) fonctionné (on va y revenir), "petit Victor" va être trouvé face au jeu, avec cette prolifération d’options interlignes (quatre), alors que le back4 rouge doit aussi dealer avec la potentialité d’un appel de Hakimi ou de Barcola vers le but, et recule, donc. L’appel de Dembélé dans le dos du DC opposé (Konate) fait reculer le français.
L’ancien Portista va rater l’opportunité de trouver Neves entre lignes. Quelques secondes plus tard, face à l’autre DC ce sont deux autres membres de cette "attaque à six" qui surchargent Van Dijk : Simultanément, Ruiz demande dans les pieds, et Kvara en profondeur, entre VVD et Robertson.
Malheureux, le talisman du PSG ne saisit pas la fenêtre – pourtant idéale – pour lancer Kvara en profondeur, alors que VVD s'était clairement engagé sur Ruiz "pied". Et il rate également l’occasion de trouver Neves dans les pieds devant Konaté.
Sur cette séquence comme sur la suivante, on peut remarquer que de fait, la défense recule de cinq bons mètres pour se prémunir des habituels et fatals appels tranchants des "ailiers" parisiens.
Ce recul va bien entendu va précipiter l’ouverture de lignes de passes intérieures. Qui vont elles-mêmes mobiliser les centraux, en plus des ailiers plongeants parisiens…
Le porteur parisien doit ainsi interpréter toute cette chaîne d’événements et trouver intuitivement la passe fatale, qu’elle soit dans les pieds ou en profondeur. C’est également dans ce registre que Fabian Ruiz va "fauter".
Sur ce temps de jeu-ci, le 5-5 a totalement changé : Barcola et Dembélé sont extérieurs, Vitinha également extérieur en tant que central gauche. Dedans, c’est un quatuor Nuno, Kvara, Hakimi, Neves qui est complété par Ruiz. (Faut suivre !)
Alors que Ruiz va se trouver face au jeu, les Reds se perdent un instant dans le foutoir volontaire des intérieurs du PSG.
Problème : Ruiz ne prend pas la passe lobée qui s’impose pour Hakimi, alors que Van Dijk a suivi Kvara, et que MacAllister a lâché (un instant certes !) la course d’Hakimi.
Vitinha et Ruiz sur ces deux séquences, comme nombre de leurs partenaires à la création, devront saisir ces opportunités pour déséquilibrer des Reds, dont on voit bien qu’ils étaient au fait de la richesse positionnelle du PSG, qui aura eu le mérite de les tenir en respect. D’ailleurs, si l’on voulait ajouter une dose "pessimisme" sur le PSG dans l’attaque placée, on pourrait noter que sur les cinq buts marqués (en comptant celui refusé à Kvara) face à Liverpool et City, trois sont le fruit d’un coup de pied arrêté, et seulement un (le 1-2, Dembélé) fait véritablement suite à un temps de jeu placé. Et on pourrait remarquer que ce temps de jeu face à Stuttgart n’a pas fait but non-plus… pour un manque de prise de risque dans la passe.
Trop de déchet pour monétiser le pressing haut
La Champions League est capricieuse, et se joue sur des marges infimes. Il va sans dire que Paris a validé une vaste majorité de son cahier des charges. Parmi les satisfactions : des séquences de pressing haut qui ont produit une moisson de récupérations prometteuses.
Ailier gauche du 3-1-2-4 qui matchait homme pour homme le 4-2-1-3 des Reds, Barcola s’est trouvé à plusieurs reprises en position de capitaliser sur ces pertes de balles que les Reds n’avaient sûrement pas prévues. Il convient, pour cette partie et la suivante de préciser que Paris a donc matché les Reds comme suit sur leur première relance :
Ce pressing – finalement mis à mal comme on le sait – va plutôt fonctionner dans le premier tiers du match. Illustration en deux temps, à la demi-heure :
Pris à la gorge par le marquage individuel des Parisiens au cœur du jeu, les Reds n’arrivent pas à combiner. Face à Salah trouvé directement, Nuno est impeccable.
On voit ici que le mécanisme de prise à deux avec Ruiz est huilé et prévu. Bloqués, les Reds s’embarquent dans un une-deux compliqué de Gravenberch, récupéré par Nuno, et vont perdre le cuir. Souvent préposé à être le membre plus bas du double pivot, l’absence du Hollandais sonne comme un signal pour Barcola qui lève la tête.
Parenthèse : On a vu précédemment que Ruiz était très haut en phase offensive. Sans le cuir il est au marquage du membre le plus bas du milieu, preuve que le PSG organise l’attaque en fonction du pressing, et inversement.
Toujours est-il que sur la suite du temps de jeu, le double pivot Gravenberch – MacAllister est simultanément éliminé. Libre face au jeu, Barcola prend de la vitesse, et la défense des Reds se retrouve exposée à un ballon en profondeur, alors que Dembélé déclenche un appel croisé vers la gauche. B.A.-BA du défenseur central : Van Dijk oublie donc l’alignement pour contrôler la course du Français.
Pour autant, le Hollandais choisit surement trop tôt de reprendre sa place sur le côté gauche de la défense, alors que Konaté n’a aucun contrôle de la course de Dembélé, qui est toujours onside. Alors que Barcola opéré une feinte de frappe à propos pour se mettre face au jeu, il se doit de trouver un angle qui permette à Dembélé de contrôler vers le but, sans se désaxer, malgré la menace d’interception de Konaté.
Trop molle et trop safe, la passe du Rhodanien fait perdre à Dembélé le temps d’avance nécessaire pour battre le tentaculaire portier Red.
Il faut de la grandeur pour battre une paire aussi légendaire que Van Dijk-Konate. Pour autant, ayant conservé ses habitudes zonales avec Slot, il arrive que ce petit excès de passivité (évident ci-dessus) soit puni.
On peut penser à cette inspiration magnifique de Lautaro Martinez en 2022, alors que l’Inter avait chuté d’un rien à San Siro, après avoir secoué les Reds.
On peut aussi évoquer le but décisif du Real en finale à St Denis, conclue par une passe millimétrée (et spontanée !) de Valverde pour Vinicius.
Un angle bien plus complexe que celui que Barcola aurait du prendre ci-dessus. On remarque à nouveau l’attitude hyper passive de Van Dijk et l’importance d’une passe puissante pour trouver ces angulations décisives et battre l’interception.
Un but consécutif à une secousse bien venue de Benzema dans le vestiaire du Real à la mi-temps. Marquer ne sera pas impossible, mais à l’image de la prise de parole du français, les offensifs / créatifs du PSG se devront d’être plus cliniques – et peut-être de moins penser – au moment de finir.
Maitriser le jeu long, assumer la mixte
Subtilité de l’animation défensive de Luis Enrique : si les attaquants et les milieux ont plutôt des références individuelles, le back4, quant à lui, monte et descend en fonction de la position de la balle, avec l’objectif – idéalement de mettre les attaquants (ou même les milieux qui se projettent) les plus haut, hors-jeu.
L’objectif de cette stratégie étant de cumuler une prise en charge agressive au cœur du jeu (on vient de voir les dangers de la passivité) et un bloc structuré et court.
On l’a vu, le pressing haut du PSG – face au jeu court - était globalement fonctionnel, et a produit des situations. Il n’en va pas de même pour le comportement face au jeu long. Bien qu’éparses, les tentatives de jeu long des Reds ont quasiment systématiquement contrarié Paris.
On le voit ici en tout début de match. On remarque que Mac Allister (relayeur gauche) se projette franchement (04’08’’), et que Joao Neves, son adversaire direct, demande à ce qu’on récupère son marquage.
Avec ce mouvement, l’équipe qui défend en mixte peut se retrouver à défendre avec une ligne de sept, une confusion naissant du rôle contraire des centraux et des milieux. C’est précisément ce qui va précipiter le 1-0.
Après le match, Van Dijk déclarera que (bien que les Reds furent bien plus dominés que prévu), appuyer sur le jeu long faisait partie de leurs prérogatives : « Nous savions qu’ils allaient venir en force avec un pressing individuel, un contre un, et notre plan était de passer au-dessus du pressing et de faire des courses en profondeur derrière, ça a fonctionné à quelques reprises (…) et on pouvait voir à quel point cela ouvrait des espaces (…). »
En tout cas, sur le long ballon fatal d’Allison, on remarque (c’est clair ci-dessous) que Liverpool fait en sorte de créer ces deux duels fatals face à Vitinha et Neves, très haut.
C’est aussi cette perspective peu réjouissante qui pousse Marquinhos à faire ce pas fatal, dans un funeste et énième excès de prudence. Derrière, alors que le Brésilien est piteusement battu dans les airs par Nunez, une seconde confusion entre Pacho et Nuno, alors qu’Eliott est allé très large, va créer la solitude de l’Anglais, qui pourra finir.
Un peu de panache !
Ainsi, non seulement Paris doit être capable de tenir (et d’assumer !) son alignement, mais aussi de bien travailler collectivement pour empêcher l’adversaire de jouer long et direct dans de bonnes conditions. Dans tous ces aspects techniques et tactiques, on s’aperçoit que, si le niveau de la LDC est très élevé, les marges restent fines et les moments cruciaux font virer les matchs, au-delà de l’aspect structurel. En témoigne l’accomplissement assez massif du PSG en dépit du peu de génie individuel. Il n’est pas donné à tout le monde d’ainsi tenir en respect le futur champion d’Angleterre, large dominateur continental lors de la phase de ligue, et peut-être bien, propriétaire du meilleur joueur du monde, rendu anonyme sur la pelouse du Parc.
En reproduisant le même contenu, combiné à une touche de grandeur, rien n’empêche Paris de rêver.