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Le retour du grand Lewandowski - Pourquoi est-il si dangereux ?

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Juste avant les retrouvailles avec le Bayern, club de ses plus grands succès, dans le cadre de la 3e journée de Ligue des Champions, Robert Lewandowski est revenu au sommet de son art. Dans un système et une animation offensive qui matchent ses caractéristiques, le Polonais est à 36 ans passés, meilleur buteur de Liga, avec 10 réalisations en 9 rencontres. Analyse de son rôle et de son profil technique et physique.

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Après une saison délicate en catalogne, Lewandowski revit sous les ordres de Hansi Flick © Imago / Aflosport

Rôle et profil : une utilisation idoine

Exégèse du jeu vertical, Hans Flick a l’habitude de développer un football qui se joue - plus encore qu’entre les lignes - dans le dos de la dernière, c’est-à-dire la défense adverse. Pour faire simple, le coach allemand est de ceux qui sont prêts à sacrifier un peu de confort au cœur du jeu, pour plus de poids et de menace devant.

Avec un pur 9 comme Lewandowski, qui n’est ni Benzema dans le liant, ni Mbappe dans le tranchant, Flick réussit à tirer un parti quasi-maximal des caractéristiques du Polonais. Associé en attaque à Raphinha dans ce qu’il convient d’appeler un 4-1-1-4 (même quand Raphinha est aligné ailier gauche, il joue très proche de l’axe), Lewandowski a un rôle distinct, selon que le bloc adverse est :

- Haut, face à la sortie de balle du Barça

ou

- Replié, après que les Catalans aient vaincu la première ligne de pression, et forcé cet adversaire à un repli solidaire.

Face à un bloc haut, Lewandowski se situe souvent entre les lignes. Presque à contre-emploi. Avec leurs jambes et leur vitesse, Olmo mais surtout Raphinha représentent la menace de jeu direct vers la profondeur. Yamal, à droite a un rôle un peu à part de premier relai large, souvent servi dans les pieds. Une menace de verticalité immédiate mise à exécution par Olmo face à Girona. On voit bien le rôle de leurre « sur mesure » de Lewandowski, qui mobilise les défenseurs.

1 - olmo prof girona

À défaut de trouver directement la profondeur, le Barça distend, puis fait reculer les blocs adverses avec cette approche. Une configuration qui permet à Lewandowski d’exprimer l’une de ses qualités les plus fortes : la science du placement dans le dernier geste.

Illustration de cette double prérogative face à Villarreal :

Sortie de balle sous pression pour le Barça, qui va se sortir de l’étau groguet via une combinaison avec Yamal, et décaler son latéral gauche, Gerard Martin, trouvé face au jeu.

2 - lewy 1 v villarreal gif

Malgré son rôle prétendu d’ailier gauche, on voit sur la droite de l’image ci-dessus (et sur le schéma ci-dessous) que Raphinha attaque de façon tranchante le halfspace droit (côté ballon) de Villarreal, assez proche de Yamal, ailier droit.

Dans un registre totalement différent, Lewy se propose à nouveau entre les lignes, dans le rond central.

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Alors que le Barça combine pour sortir de la première pression, on voit que Lewandowski et Raphinha ont un rôle distinct et adapté à leur profil respectif (le Polonais n’a pas une vitesse redoutable sur de grands espaces)

C’est encore plus net quand Gerard Martin se retrouve face au jeu (à 27’43’’ ci-dessous). Raphinha tranche et fait reculer la défense comme un seul homme, alors que Lewandowski propose à nouveau une solution courte, dans les pieds.

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En faisant mine de jouer en profondeur, G. Martin sert Lewandowski dans les pieds. Sa prise de balle et son enchainement ne sont pas très naturels, mais le job est fait, le Barça a fait reculer le bloc adverse en profitant de l’appel tranchant de Raphinha.

Le ballon arrive jusqu’à Yamal : Lewandowski change alors de rôle. Le Polonais va déclencher son appel signature : dans le dos du central opposé au ballon. En théorie la zone ou les centraux ne peuvent pas se couvrir mutuellement.

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Lewandowski courbe son appel pour attaquer le dos de Bailly.

Le Barça passant souvent par la gauche pour préparer, et par la droite (de Yamal) pour conclure, Lewandowski et Bailly (central gauche) vont se livrer un beau duel, l’Ivoirien étant au fait de la fourbe méthode du Polonais.

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Toute la difficulté pour Bailly de gérer un 9 qui fuit son champ de vision et d’intervention

Même si le dernier geste est raté ici, on peut constater toute la science du placement de l’ancien Bavarois : Il parvient à être à la réception de ce centre de Koundé sans être hors-jeu, tout en étant hors de portée des défenseurs et du gardien.

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Lewandowski ne peut pas être mieux placé sur ce centre impeccable de Koundé. Intenable pour Bailly, il parvient à être à la réception, à l’extrême limite du hors-jeu.

On retrouve ce mouvement malin sur plusieurs de ses réalisations. Notamment face aux Young Boys de Berne en C1. À chaque fois qu’un partenaire se libère de la pression, et se trouve en position de faire la dernière passe, Lewandowski va proposer quelque chose dans cette fameuse zone, dans le dos du malheureux Mohamed Ali Camara.

On le voit ci-dessous, à trois reprises (ballon chez Casado, puis Yamal, puis enfin Raphinha) Lewy va chercher cet angle mort fatal.

8 - finition lewy v young boys
On le voit à son geste des bras, Camara n’imagine pas que Lewandowski puisse être à la fois en jeu et hors de champ de vision et d’interception dans son dos.

D’ailleurs, et ce n’est pas nouveau, ses longues échasses lui sont bien utiles pour finir lorsque cette passe (nécessairement profonde) est un peu loin. Adepte du « tacle-tir », comme lorsque Lewy réussit à arracher un succès précieux à Mestalla avec un nouveau but labellisé renard des surfaces du même type.

Gabarit : avantages et inconvénients

C’est évident lorsqu’on met en perspective tous les buts marqués dans le jeu par le Barça cette année : l’animation offensive est faite pour Lewandowski et ses trois partenaires d’attaque. Avec une asymétrie assumée qui penche du côté droit de Yamal, capable de tout (passe + dribble + tir) depuis une position large, avec Olmo et Raphinha pour les rôles de second attaquant et de « faux » ailier gauche. Une asymétrie qui matche d’ailleurs avec un rôle de latéral défensif pour Koundé, son pendant à gauche pouvant évoluer plus haut, comme on l’a vu avec Gerard Martin ou Baldé.

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10 - Barça Villarreal positions
11 - girona barça positions
L’asymétrie très claire – penchant vers la droite – du Barça et de son 4-1-1-4. Lewandowski est secondé à la fois d’un second attaquant et d’un « faux » ailier gauche.

Lewandowski ne fait que 1m85, mais on le croirait bien plus grand, et ses immenses échasses y sont pour quelque chose. Un gabarit qui lui permet d’être efficace et puissant sur de petites accélérations (celles qu’il produit en déclenchant son appel courbé) mais moins propice à de longues courses ou de longues conduites de balles. Celles produites par Raphinha ou encore Olmo dans les images vues jusqu’alors.

La force de Lewandowski – et c’était un enseignement clair de l’iconique quadruplé de 2013 face au Real qui le présenta à l’Europe : il n’a pas son pareil pour compenser les limites de son gabarit, tout en tablant sur tous les bénéfices que sa silhouette lui offre. Même si son travail de faux 9 entre les lignes n’est pas optimal (et on verra si les adversaires du Barça en tireront profit), sa capacité à se stabiliser, par l’écart de ses jambes et la qualité de son travail de bras, le rend très difficile à bouger, alors que son centre de gravité haut pourrait suggérer le contraire.

12 - lewy bras girona

Effet catapulte

C’est surtout dans le dernier geste que Lewandowski peut tabler sur les avantages que lui offrent sa morphologie. Lewy n’est ni Messi ni Vinicius, et ce n’est pas par la vivacité de ses changements de direction qu’il va déséquilibrer un défenseur. Pour autant, ses longs compas (combinés à une musculature fonctionnelle à commencer par sa ceinture abdominale) lui offrent des possibilités dont les petits gabarits ne bénéficient pas : l’effet « catapulte ».

Quand un petit, trapu et tassé, va réussir à vite prendre de la vitesse et de l’élan, et à dominer son ballon, lui donnant tout le poids de son corps, un grand gabarit comme Lewandowski aura beaucoup plus de possibilités – et notamment celle de frappe fort – même sans cette vitesse. Selon la même logique qui rend un club de golf plus efficace qu’une raquette de ping-pong pour frapper puissamment (à l’arrêt) dans une balle : Lewandowski bénéficie – même à l’arrêt, sans élan / vitesse – d’une énorme puissance de frappe.

On le voit clairement à deux reprises face à l’Athletic, à Montjuic :

D’abord sur un décalage qui lance Raphinha dans une position excentrée à gauche. Le ballon, que le Brésilien est obligé de « redresser », a déjà perdu pas mal de vitesse lorsqu’il retombe au second poteau. À ce moment, il est bien utile d’avoir une jambe d’appui et une batte de baseball pour finir, et rendre au ballon sa vitesse perdue.

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Le Polonais (qui s’est habilement démarquée selon la méthode décrite plus haut) n’a pas besoin de beaucoup d’appuis pour catapulter le ballon vers le but. Par chance, le portier est sur la trajectoire (et va faire don de son corps…), mais les segments de Lewandowski permettent à sa jambe d’arriver sur le cuir avec une énorme force centrifuge, et ce, malgré une position relativement arrêtée.

Quand les angles deviennent trop fermés, la puissance se substitue efficacement à la précision pour régler les problèmes géométriques. Dans un système qu’il convient d’appeler 4-2-4, peu enclin à générer de francs décalages, Lewandowski rend à Flick devant le but, ce qu’il ne lui offre pas dans le cœur du jeu. 

Même logique sur le but de la victoire, 10 minutes plus tard :

Sur un nouveau « demi-décalage » un peu forcé à gauche, le Polonais est cette fois-ci servi par Pedri, qui attaque le halfspace, avant de centrer en bout de course, du gauche, sous la pression d’un adversaire. Le gardien va toucher ce ballon, qui ne tolère pas un contrôle pour aller au fond.

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En plus de cet effet « club de golf », à l’instar d’un Ibrahimovic, sa souplesse lui permet de s’ouvrir des angles qu’un joueur court sur patte n’aurait pas à l’arrêt. On le voit avec le plan serré dans l’axe du but : Lewy a très peu d’angle pour empêcher Yuri (latéral) et Yeray (central gauche) de contrer le cuir. Mais même avec son pied gauche, Lewandowski parvient à tirer si fort que le ballon est insaisissable pour les deux : il va simplement trop vite.

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Il convient de rappeler que le plan ci-dessus est un ralenti.

Cela se ressent, Lewandowski est à l’aise dans tout ce qui se fait à l’arrêt. Ses immenses "cannes", lui permettent de catapulter le ballon avec un grand angle de frappe, en le faisant aisément monter, même en ayant perdu tout élan. Son gabarit lui permet de recréer de la distance avec le ballon, là où un plus petit devrait ajouter une touche de balle, et par conséquent, perdre un temps précieux.

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Cette capacité à catapulter et bonifier des ballons sur lesquels le Barça n’a qu’un temps d’avance discutable se voit aussi sur le 3e but à Alaves.

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La façon dont Lewandowski arme son tir de laisse croire au gardien qu’il va l'allumer, mais le Polonais profite de l’amplitude de son geste pour croiser en douceur le ballon dans le petit filet.

De retour au sommet

Attaquant générationnel, Robert Lewandowski, en prenant un soin particulier de son corps, est revenu au sommet de la pyramide des attaquants mondiaux, et se place possiblement comme le meilleur 9 de Liga. Avec le coach qui l’a mené au plus grand titre de sa carrière, il retrouve un rendement optimal dans un système fait pour lui juste avant un enchaînement infernal Bayern en Champions League et Clasico à Madrid.

Avec ces caractéristiques collectives et individuelles identifiables, il sera fascinant de voir comment le Real – qui n’est pas en reste dans la lecture de l’adversaire – s’y prendra pour scléroser l’animation offensive tranchante du Barça, et l’énorme impact de Lewandowski.

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