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Analyse Football

Lamine Yamal, le but au service du dribble

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Crack générationnel, Lamine Yamal, sur la lancée d’un Euro brillant, continue à rayonner dans un Barça en lice pour le triplé. Avec son profil complet et ultra-productif, le Masian incarne son époque. Connecté au but, il se base sur la diversité de son arsenal pour tromper ses adversaires, tout en gardant l’insouciance de ses 17 ans. Portrait technique de l’ailier barcelonais, en vue du choc face à l’Inter.

YaMal
La fameuse feinte de Yamal contre Mallorca qui a tant fait parler. © IMAGO / NurPhoto

Intérieur - Exterieur

L’être humain est équipé de deux yeux. Ces dernières années, les avancées de la recherche ont mis en avant le concept d’œil directeur ou d’œil moteur. En clair : l’œil le plus fort, celui qui voit le mieux et le plus vite, et du côté duquel la prise d’information est la plus fluide. Alors que les préférences motrices se déclinent sous des formes plus complexes, le sportif peut être plus à l’aise pour opérer du côté de cet œil fort, ou de l’autre, par des habitudes de compensation.

Tandis que la plupart des footballeurs sont droitiers et titulaires d’un œil moteur gauche, Lamine Yamal, gaucher, présente une deuxième singularité en étant clairement plus à l’aise pour s’informer (et se déplacer) sur sa droite. Ailier droit, le jeune crack espagnol - et c’est l’une de ses différences avec Messi, avec qui la raisonnable comparaison est inévitable – développe une appétence pour la conduite de balle intérieur du pied (gauche, naturellement) qui lui permet de pousser le ballon vers sa droite, donc l’extérieur/la gauche du latéral adverse.

1 - lamine speciale
La "spéciale" Yamal face à Reinildo puis Nuno Mendes

Limité à cette habitude, bloquer le jeune Masian serait, à défaut d’être facile, un chemin bien balisé pour ses adversaires.

2 - yamal un peu forcé cano v galan

De toute évidence, c’est loin d’être le cas, et pour cause : il compense cet inconfort vers sa gauche par une relation extrêmement étroite avec le but adverse, par la frappe, et la passe.

Dans n’importe quel sport collectif, un défenseur défend sur quelqu’un avant tout en protégeant son but, son panier ou n’importe quelle cible.

Alors, comment délimiter le dribble et la frappe au moment de compartimenter les compétences d’un attaquant ? Si la feinte d’aller quelque part peut mener à aller ailleurs, à chaque fois que la jambe se lève, il faut bien que la menace d’une passe ou d’une frappe – en définitive d’un but encaissé – soit suffisamment crédible pour produire le fatal excès d’engagement défensif, sur laquelle le feinteur va capitaliser en allant dans la direction inverse.

Pan !

Dans cette perspective, la fondation principale des dribbles du Catalan est certainement son atout numéro 1 dans le dernier et l’avant-dernier geste : une vitesse d’exécution hors pair.

Si l’on constate que bon nombre de ses adversaires directs priorisent (parfois grossièrement) le verrouillage du dribble extérieur (comme Galan sur le petit pont plus haut), on peut également noter que, sans plan pour se prémunir de sa rapidité d’exécution à l’intérieur, le passage en caisse est immédiat.

L’été dernier, à Munich, c’est à la France que Yamal apporte l’addition. Rabiot, qui le cadre, comme Saliba et Upamecano, affectés à sa couverture, priorisent trop grossièrement le dribble extérieur (le côté préférentiel de Yamal dans le domaine). Et s’il est vrai que la logique des trois Français tient debout pour se prémunir du dribble, elle va chanceler pour ce qui est de la frappe.

Point commun avec le prolifique Olise – dont l’Inter vient de croiser la route – Yamal arme, et frappe, avec une telle soudaineté, sur un appui si rapide, que ni ses trois adversaires, ni Maignan n’ont le temps de prendre leurs dispositions pour éviter l’inévitable : lucarne, et ficelle.

3 - yamal goal france wide
On voit bien que Saliba, Upamecano et Rabiot privilégient le dribble extérieur. Mais la vitesse d’exécution de la frappe les sanctionne, alors que Yamal choisit l’intérieur après sa feinte de corps
4 - yamal 2 appuis
Yamal n’a besoin que de deux appuis très rapides, pour exécuter son geste. L’adversaire, engagé à l’extérieur, n’a pas le temps pour reprendre ses dispositions défensives à l’intérieur

L’ailier de 17 ans est d’ailleurs coutumier de ces savantes trajectoires, légèrement lobées, qui éradiquent ici toute possibilité d’arrêt, malgré le jump et l’envergure de Maignan, écœuré par la soudaineté de la frappe.

Alors qu’habituellement, ce geste nécessite une certaine amplitude et une forme d’inclinaison du corps, le jeune Catalan se montre capable d’allumer sans trop respecter ce prérequis, en restant relativement raide et droit, sans cet alignement diagonal, dont Beckham est l’illustration la plus célèbre. Compliquant ainsi grandement la tâche du gardien et des défenseurs pour lire l’armée de son geste.

5 - yamal goal benfica
En plus de sa soudaineté et de sa précision, la trajectoire légèrement lobée de la frappe achève les espoirs du gardien

Pour preuve, il est fréquent de voir le gardien ne pas avoir le temps de mettre en œuvre son envolée, restant ainsi planté comme sur le bitume alors que le cuir fait trembler les filets. Ou de partir trop tard pour espérer quoi que ce soit.

6 - yamal tir rapide gardien planté

Passe Ziyech – Passe Neymar

Avant de passer à la moisson de dribbles facilitée par cette menace, il convient d’y ajouter l’imposant attirail de passes dont dispose Yamal. 22 fois donateur cette saison, (4 fois en 7 matchs lors de l’Euro conquis cet été), il est un redoutable et généreux pourvoyeur d’assists. Et ce dans plusieurs registres.

Souvent utilisé par Flick à l’extrémité droite du bloc en phase d’attaque placée, où il devient le pendant de Baldé, alors que le Barça produit une certaine asymétrie, Yamal se retrouve souvent en position "Ziyech".

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Baldé (ArG) évolue plus haut que Koundé (ArD). A droite, Yamal est souvent plus large que le Français, presque comme un pendant de Baldé au large.

L’une de ses options est alors de délivrer les indéfendables passes en profondeur qui ont fait passer son compatriote marocain à la postérité.

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Passeur sensationnel et étoile des Lions de l’Atlas, Hakim Ziyech maitrisait à merveille cette trajectoire plongeante

On l’a vu, Yamal est beaucoup plus à l’aise pour s’informer sur sa droite que sur sa gauche. On remarque d’ailleurs qu’il s’oriente souvent grossièrement vers sa gauche au moment d’être servi dans les pieds long de ligne.

Illustration la semaine dernière, alors qu’il vient d’entrer en jeu face au Celta, sonnant la révolte des Blaugrana :

9 - lamine cross ziyech v celta
Le centre profond est extrêmement soudain. On note l’asymétrie du Barça avec Raphinha, ailier opposé, qui est comme un 2e attaquant, plus axial encore que Lewy

Ce défaut de prise d’info et d’orientation, semble être tourné à son avantage par Yamal, qui par cette orientation exagérée vers sa gauche (son côté faible), fait croire à la défense à l’immense crédibilité d’un centre au second poteau.

10 - lamine carvajal

Cette probabilité, comme c’est le cas ci-dessus pour Raphinha (Lewandowski est au 2e poteau), mais également ci-dessous pour de Jong lui permet de tromper la défense, qui ne resserre (donc) pas trop.

11 - lamine centre ziyech v valencia
On voit bien à travers l’attitude de l’arrière droit de Valencia que le centre pour le second poteau est envisagé, ce qui permet à Yamal de masquer son intention

Bien entendu, on peut également gager sur une étude studieuse des highlights de Neymar, dont Yamal ne fait pas mystère de l’influence sur son football.

12 - neybappe lamine

Au moment rentrer halfspace, alors que Koundé n’est pas bridé dans un rôle de 3e central, Yamal se signale également souvent avec ce qu’on pourrait appeler, « la passe Neymar » (bien que Neymar soit également adepte du L1-triangle…), à raz-de-terre, avec un dosage millimétré et – bien entendu – une rapidité d’exécution, redoutables pour l’adversaire qui s’aligne.

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Soudaines et "off-beat", les passes glissées en profondeur par Yamal sont assassines

Souvent lancé par le Masian, l’ancien Bordelais prend d’ailleurs feu offensivement cette saison. Impossible de faire l’inventaire de cette panoplie sans mentionner l’exter’, qui correspond au pied droit, permettant d’enrouler le ballon vers l’arrière depuis la droite, et de faire ainsi le tour des défenseurs.

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Ainsi, si Yamal – contrairement à Messi qui se transformait en Sonic - n’est pas forcément à l’aise pour prendre de la vitesse vers l’intérieur, il n’en reste pas moins très difficile à lire. Par le peu d’info que son corps donne, et par l’absence d’un trop long set-up pour armer sa passe, ou sa frappe. Il peut (très…) vite activer l’une de ses deux options, et donc éventuellement mobiliser l’adversaire à l’intérieur, pour mieux le déborder, ou l’inverse.

Bien pris (à cinq derrière) par l’Atleti

Cette déclinaison du dernier et à l’avant-dernier geste de l’Espagnol offre donc une certaine perspective sur ses dribbles. Et peut-être une autre hiérarchie au moment d’identifier la première compétence, plus ou moins innée qui facilite, par la crainte qu’elle inspire, la mise en pratique de la seconde.

Se sachant capable de toutes ces déflagrations intérieures instantanées, dès qu’il reçoit pied, Yamal pivote, et s’organise souvent pour « pousser tout droit » (vers l’extérieur du défenseur) souvent avec l’intérieur du pied gauche, si l’adversaire prend ses dispositions pour se prémunir de cette efficacité vers l’intérieur.

Pour autant, une fois que l’adversaire s’organise pour ne pas être débordé instantanément, la tergiversation éventuelle de l’Espagnol au moment de choisir l’intérieur, est un grand pas vers l’extinction du danger.

Face au dilemme qu’il lui présente, l’Atleti du Cholo fait un choix clair, qu’on peut identifier plus haut avec Galan : boucher à tout prix le dribble extérieur, à condition d’une aide (immédiate, bien entendu) à l’intérieur.

15 - yamal pris à deux gallagher galan

On voit bien à l’orientation préventive du latéral et à la promptitude avec laquelle Gallagher (ailier) vient s’agrandir pour empêcher Yamal d’armer que ces aptitudes ont été identifiées, et hiérarchisées par l’Atleti.

En championnat, dans un match longtemps maitrisé par les Colchos, alors en à 5 derrière - comme l’Inter -  les Madrilènes ont à nouveau mis en œuvre ce plan anti-incendie.

Alors que le jeu du Barça penche nettement à gauche, une fixation initiée par Raphinha, Baldé et Pedri, relayeur assez seul d’un 4114, qui opère bien plus sur la gauche que sur la droite, Yamal n’a pas le rôle le plus facile à – l’extra-passe – de l’autre côté.

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La fin heureuse de cette partie pour le Barça, solutionnée par Raphinha, alors 10, qui vient surpeupler la zone de Koundé et Yamal, est difficilement envisageable face à l’Inter, compte tenu de l’absence de l’absence de Lewandowski.

Avant la frénésie d’une fin de match à quitte ou double, l’approche défensive de l’Atleti était plutôt juste, alors que le Barça était mené 2-0 à la 70e. Il y a fort à parier que cette stratégie inspirera certainement celle de l’Inter à l’aller.

Face à Bastoni et Di Marco

Di Marco va certainement s’inspirer de Galan, et prendre ses dispositions pour ne pas être mangé à la même sauce que Nuno et Reinildo, alors que Bastoni sera certainement attentif à fermer les dégâts que Yamal peut causer – sur un pas – à l’intérieur.

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Avec le concours de Mkhitaryan, même une aide de Koundé laisserait le Barça en infériorité dans cette zone du terrain. Et un décrochage excessif de Fermin soulagerait Acerbi dans la profondeur.

Face à la redoutable paire central – latéral de l’Inter et de l’Italie, le Barça devra donc inventer quelque chose et trouver un moyen de matcher ce rapport de force, tout en ne dépeuplant pas excessivement la boite.

Avec la potentialité de contre tranchants emmenés par Barella, Lautaro et Thuram, chaque touche de balle de l’Hispano-Marocain sera donc bien évidemment décisive.

D’autant plus que la présence de Ferran en pointe à la place de Lewandowski invitera certainement l’Inter à opposer au Barça un bloc relativement bas.

Ainsi Yamal, comme à Dortmund ou lors du succès en Liga au Wanda, devra tirer le plus grand profit des quelques moments verticaux qui pourraient s’offrir à lui, notamment après les épars temps de jeu placés de l’Inter, sur lesquels il aura également un rôle défensif crucial à jouer.

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