Analyse tactique: Le décryptage des invincibles de Xabi Alonso
Auteur d'une saison historique, sans la moindre défaite, le Bayer vise un monumental triplé. Plongée dans le modèle de jeu et les ajustements de Xabi Alonso, qui a su remodeler son équipe, en fonction des absences et des adversaires, pour préserver ce record.
Assez tôt cette saison, nous avions déjà tenté d'analyser cette formidable machine à gagner dans cet article qui détaillait les principes de base que Xabi Alonso a inculqué à ses hommes. L'entraineur basque est un homme qui sait ce qu'il veut et nous allons voir qu'il ne lésine pas sur les plans (différents) pour arriver à son but.
3-box-3
Parti en trombe malgré un léger coup de mou avant la trêve, le B04 de Xabi Alonso s’est construit sur la base d’une organisation en 3-4-3 à plat, ou 3-2-2-3, dans laquelle Wirtz et Hoffman ont rapidement rayonné au soutien de Boniface, le puissant (et complet) avant-centre recruté à l’Union St Gilloise l’été dernier.
Entre le brio des trois attaquants et celui du cœur du jeu, il est difficile de cibler un seul secteur du jeu pour incarner la patte Xabi Alonso dans cette saison historique. Maître des fondamentaux, avec sa capacité à recevoir entre les lignes, comme à plonger dans les espaces, le prodige Florian Wirtz a illuminé la saison de Bundesliga et donné une dimension individuelle à ce sacre collectif.
Mais si l’on devait tout de même se résoudre à décrire un poste signature du modèle de jeu d’Alonso : il serait peut-être pertinent de choisir la paire de pistons Grimaldo – Frimpong.
En championnat, elle revendique 19 (!) buts et 22 passes décisives (dont 13 pour l’Espagnol, meilleur passeur de Bundesliga). Des stats impressionnantes, et grandement inhabituelles, qui indiquent clairement la zone dans laquelle leurs courses se terminent : la surface de réparation adverse. Et qui signent la singularité du modèle de jeu, clair et identifiable du technicien Basque.
On en a un aperçu dans l’illustration ci-dessous, avec Frimpong en position de hors-jeu passif, dans une position axiale (half-space) alors que Wirtz s'est retourné.
Asymétrie et prise de vitesse
En partant de positions plus ou moins reculées, les deux compères "excentrés" finissent souvent leurs courses dans le half-space, c’est-à-dire dans la surface, que ce soit sur les phases d’attaque placée ou sur les contres, redoutables du Bayer.
À l’instar d’autres coachs adeptes de la défense à trois (loin des préceptes de la plupart de ses anciens entraineurs comme Mourinho ou Benitez), Xabi Alonso organise son équipe autour d’une asymétrie initiale. On la perçoit dans le schéma des positions moyennes face au Bayern, au début de l’article.
Le 4-box-2 fait voler le pressing romain
Organisée défensivement en 4-3-3 (4-1-2-3), la Roma a vite vu son pressing déséquilibré par les adaptations pertinentes de Xabi Alonso.
Sans Boniface (de retour de blessure après trois mois d’absence), ni Schick, habitué à le seconder durant cette période, Alonso avait opté pour un trident Adli (intérieur gauche), Wirtz (faux 9) et… Frimpong (le 30 sur le schéma ci-dessus) promu quasi "avant-centre", dans une zone où il a ses repères comme évoqué au début de l'article . L’absence de la tour Nigériane, comme peut-être la nécessité de rester imprévisible, ont forcé l’entraineur espagnol à légèrement réinventer son modèle au fil de la saison, le rôle de Wirtz faux 9 à Rome en est l’illustration.
À Rome, on a vu principalement Grimaldo (voire Stanisic selon le côté) occuper une zone bien précise : le cœur du jeu, dans une organisation en quasi 4-2-2-2, mais dont le dernier "2" (Aldi et Frimpong) décrit plus une paire d’ailiers que d’attaquants.
On peut noter deux choses inhérentes au modèle d’Alonso dans cette sortie de balle qui fonctionne :
- Même si c’est dans une formule différente (4-box-2, plutôt que 3-box-3, le modèle de base), le Bayer conserve sa "box" : Xhaka – Andrich, Grimaldo – Frimpong ici. La "box" initiale était Xhaka – Andrich – Wirtz – Hoffman.
- On remarque aussi qu’Alonso n’est pas obsédé par l’idée d’égalité numérique. Ici le Bayer passe une bonne partie de l’action avec deux attaquants face à quatre défenseurs.
C’est un point fondamental, qui est lié à la notion de prise de vitesse : Avec des profils comme Wirtz, Adli, Frimpong la couverture n'est pas une assurance tous risques. Si l’un d’eux prend de la vitesse, le défenseur qui couvre sera tout autant en danger que celui qui est au duel.
Une formule idéale pour palier à la blessure de Boniface, d’abord remplacé poste pour poste par Schick, avant que le Tchèque ne soit laissé sur le banc face au Bayern (3-0) comme sur cette demi-finale européenne.
La séquence se terminera par une frappe de loin, face à un bloc distendu. Un schéma qui se répètera jusqu’au but d’Andrich, alors que le Bayer ouvrira le score en attaque rapide.
Partir de loin en transition pour mieux prendre de la vitesse
Pour autant, que ce soit en phase offensive ou au moment de défendre, le Bayer est très à l’aise avec l’idée de passer du temps dans son propre camp. La victoire de février face au Bayern porte le sceau de ce parti pris. Autant avec la balle que sans, les deux approches semblant d’ailleurs prévues pour leur complémentarité.
Sans le ballon d'abord, l’approche du Bayer n’avait rien de révolutionnaire. Un 541 compact et prudent, avec un déclenchement tardif du pressing. La dimension la plus efficace semblait être la capacité des coéquipiers de Xhaka à repartir avec fluidité sur de l’attaque placée après une récupération basse.
Illustration sur le temps de jeu placé qui suit la récupération ci-dessus :
Nous venons de le voir tout au long de cet article, l'équipe de Xabi Alonso possède ainsi plusieurs plans pour exploiter leur principale force : la prise de vitesse. Et quand bien même cette prise de vitesse arrivait à être entravée, il resterait à cette équipe des artilleurs hors pair (Xhaka, Grimaldo Andrich pour ne citer qu'eux) capables de déclencher des frappes lointaines qui font mouche.
Ce soir, le champion d'Allemagne peut faire un pas de plus vers la légende, vers un exploit que jamais aucun club dans l'histoire de ce sport n'avait réussi : Boucler une saison entière, invaincu toutes compétitions confondues. Les ajustements incessants de "coach Xabi" visant à rendre son équipe imprévisible ne seraient pas étranger à cette prouesse....