Dortmund au milieu de nulle part
Brillants en Ligue des champions, inconstants voire incohérents en Bundesliga, les Jaune et Noir sont encore à la recherche de la bonne organisation et de la bonne carburation. Portrait à charge à la veille du déplacement à Berlin pour le compte de la 6e journée de Bundesliga.
Nuri Sahin l'espère : le temps joue pour lui. Son équipe est encore instable, voire mal organisée. Déifié depuis sa prise de fonction dans la Ruhr, l'ancien milieu de terrain international turc n'est pourtant pas encore en mesure de réaliser des miracles à flux continu, comme cette semaine en Ligue des champions contre le Celtic (7-1). Schizophrène, le Borussia l'était la saison dernière – finaliste de la prestigieuse compétition européenne, il n'avait terminé que 5e de Bundesliga, loin du titre, loin du podium – et le demeure. Leader de la phase de Ligue continentale après deux journées, il souffle le chaud et le froid sur la scène nationale. C'est que les chantiers du BvB sont encore nombreux.
La gestion de la pression
L'échec relatif de l'exercice 2023-2024, au cours duquel Dortmund ne s'est pas mêlé à la lutte pour le titre (5e à 27 points du champion), reste en travers de la gorge des dirigeants. Qui ont intronisé Nuri Sahin avec un objectif : redevenir un candidat au Meisterschale. Tout devait être différent, tout devait changer, et au plus vite. La correction reçue dans le Bade-Wurtemberg contre Stuttgart (1-5) a rappelé que l'écart entre le discours et les actes n'était pas forcément aisé à combler, nonobstant les vigoureux efforts de recrutement de l'été. A mis aussi Sahin devant ce réel blafard qui poursuit tout entraîneur à ce niveau : séduire, c'est bien ; gagner, c'est mieux. Chez le voisin Bochum, vendredi dernier, Dortmund a bu la tasse pendant toute la première période, encaissant deux buts, avant de se réveiller juste avant la pause et de prendre le dessus lors du second acte (4-2, score final), bien aidé par la montée en température de sa recrue phare, l'avant-centre guinéen Guirassy.
Un système trop ambitieux
L'ombre de Jürgen Klopp continue de planer sur Dortmund et les louables velléités de Sahin de mettre en place un jeu spectaculaire garni de buts se heurtent de-ci de-là, elles aussi, au réel. Contre Heidenheim, mi-septembre (4-2), la première période a réveillé un enthousiasme digne des plus belles heures du club, puis la possession a perdu de sa dynamique et les occasions se sont nettement raréfiées. À l'exception du 7-1 de ce mardi contre un Celtic qui sert à quiconque de faire-valoir en Europe à l'extérieur, le BvB n'a pas été en mesure, jusqu'ici, de réussir un match plein. Le succès à Bruges (3-0), à l'occasion de la première journée de Ligue des champions, a même suscité de l'incompréhension : Sahin a positionné Marcel Sabitzer milieu droit, récidivant à Stuttgart, au grand mécontentement de l'international autrichien.
La friche du milieu
C'est dans ce secteur, celui où Sahin brillait du temps de sa carrière de joueur, que le bazar est le plus flagrant. Brandt, Can, Gross, Nmecha, Sabitzer : comment faire cohabiter ce quintet ? Une problématique d'autant plus brûlante que c'est là que Sahin entend disposer le cœur de son jeu de possession. Il lui faut à la fois des métronomes et des sentinelles capables d'enrayer le jeu adverse. La victoire contre Heidenheim lui a montré que c'était possible. Mais contre Brême, Bruges et Stuttgart, entre imprécisions, positionnement erratique, souffrance sous pression, espaces béants à la perte de balle et duels subis, il a pu dresser le constat abrupt que ce n'était pas acquis.
La défense sur des œufs
Intacte à Brême (0-0), la carapace défensive jaune et noire a volé en éclats dans le Bade-Wurtemberg. Waldemar Anton, Niklas Süle et Nico Schlotterbeck ont été complètement dépassés par le jeu offensif du VfB. Arrière gauche, le dernier cité ne s'est guère montré à son aise. L'expérimentation de Sahin, ici, est un échec même si l'on comprend l'idée de se passer d'un Bensebaini qui ne présente aucune garantie défensive. D'autant que l'effectif dont il dispose n'affiche que trois arrières latéraux de métier : l'Algérien, donc, Julian Ryerson et Yan Couto, qui vient d'arriver.
Can, capitaine intermittent
Le sort d'Emre Can divise les supporters des Jaune et Noir. Maintenu dans son rôle de capitaine, le trentenaire international ne fait toujours pas l'unanimité dans les travées du Westfalen Stadion. Auprès de son entraîneur non plus, du reste, qui s'est déjà passé de lui plusieurs fois cette saison. Sahin fait face à un dilemme : Can est certes un “nettoyeur” de gros calibre mais son profil ne “matche” guère avec les ambitieux de jeu léché du coach. Dans ce cadre, il augmente même le risque de désorganisation, comme ce fut le cas à Stuttgart avec sa perte de balle fatale sur le 5e but adverse. Ses statistiques, pour l'instant, sont faiblardes. Mais l'ancien joueur de Leverkusen et du Bayern bénéficie d'un crédit élevé dans le vestiaire, prenant notamment les plus jeunes sous son aile. Pour Sahin, le dossier est d'autant plus délicat que le début de saison du vice-capitaine, Julian Brandt, est translucide.
Des recrues au stade des promesses
Les louanges, cet été, étaient nombreuses : de l'avis général, la période des transferts avait été réussie. Ces promesses, pourtant, n'ont généré qu'un embryon de floraison. Pour Anton, en défense, et Gross, au milieu, l'intégration est correcte, le second cité touchant de nombreux ballons. Maximilian Beier, le prodige d'Hoffenheim, n'a en revanche pas trouvé sa place, n'apparaissant même pas dans certains matches de septembre. Le Brésilien Yan Couto, pour sa part, s'est donné une blessure musculaire. Guirassy, lui aussi blessé au départ, semble en train de s'imposer et en mesure de porter son équipe sur le plan offensif. La Guinée n'attend que cela, les supporters aussi, qui jouent déjà au jeu des comparaisons avec Erling Haaland à chaque but de l'ancien Amiénois.
Les absences de la relève
C'est l'un des axes forts exigés par le nouveau patron Lars Ricken : s'appuyer davantage sur la jeunesse. En pratique, jusqu'ici, c'est plus que timide. Si Jamie Gittens brille ici ou là dans un rôle de joker, parfois même avec éclat, Julien Duranville n'a guère droit à la parole. Et les jeunes, de manière générale, devront patienter avant de prendre le pouvoir.