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Analyse Football

Comment le Bayer a asphyxié le Bayern en Bundesliga ?

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Adversaires européens dans un choc attendu, le Bayer et le Bayern se sont offert une répétition grandeur nature dont l’enjeu était le titre domestique. En gardant sa cage inviolée, le Bayern a fait un grand pas vers la reconquête du Meisterschaft, abandonné au b04 la saison dernière. Dominés de bout en bout, les Bavarois abordent ce choc humblement après contenu minimaliste. Analyse du plan et du style (quasi…) gagnant de Xabi Alonso

Leverkusen
Jamais le Bayern n'a été mis autant en difficulté cette saison que face aux hommes de Xabi Alonso. © IMAGO / Nico Herbertz

Contrairement aux précédents affrontements entre les deux rivaux (le retour de l’an dernier, remporté 3-0 par le B04) ou l’aller de cette saison (1-1 à l’Allianz Arena), le Bayer a pris l’initiative de chasser assez haut les Bavarois et s’est montré bien plus conquérant et dominateur que lors de ces rencontres, où il avait opté pour un bloc bas assez attentiste, et patienté longtemps dans cette station.

Le 4-2-4 des Topspiele

Arrivé il y a deux ans en Rhénanie, Xabi Alonso a construit son succès retentissant autour de plusieurs joueurs clés. Les plus emblématiques d’un point de vue « système » sont certainement les deux pistons de son 3412/3421 : Grimaldo et Frimpong.

Dans le jeu tranchant du Champion 2024, les deux flèches ont régné sur la largeur, tout en gardant une appétence certaine pour la profondeur, finissant souvent - selon les adaptations diverses - en position véritablement axiale, dans la surface adverse.

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Le 3-4-3 (3-4-1-2 ou 3-4-2-1) habituel du Bayer, ce weekend contre Kiel. Base en 3+2, Grimaldo et Frimpong pistons

Alors que l’influence de Boniface a diminué (entre pour blessure, et remous transactionnels), les deux compères ont peu à peu migré vers un rôle plus haut et axial sur le terrain. Témoin le poste de Frimpong, ailier droit très intérieur dans plusieurs grands rendez-vous du printemps dernier en Europa League, y compris la finale.

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Frimpong ailier lors de la demi-finale et de la finale européennes l’an dernier

Ainsi, lors des grands rendez-vous – comme à Madrid face à l’Atleti – Xabi Alonso bascule à quatre défenseurs, en intégrant Hincapié et Mukiele (habituels candidats au back3) à sa défense à quatre, alors que Grimaldo et Frimpong grimpent d’une ligne.

D’un point de vue défensif, le Basque s’offre ainsi plus de compétence et de capacité d’effort. Tout en ayant sur le plan offensif, le loisir d’utiliser la vitesse de pointe et les qualités de finisseurs de ses deux feux-follets.

L’entrée, quasi-contrainte, de Schick et de son mètre 91 face au Bayern, à la 92e minute (le 2e changement…) dit tout sur la hiérarchie de l’ancien Red en termes de profil et de morphologie dans ce contexte.

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Le 424 face au Bayern

Alors, évolution audacieuse ou conservatrice ? Moderne, le B04 se veut hybride. En tout cas, il se donne aussi les moyens de déployer également le bloc bas des confrontations précédentes avec ce personnel.

Prévu ou non d’un côté comme de l’autre, ce match était à sens unique, avec un total explicit de 13 tirs à 2.

Les travailleurs ont d’abord annexé le camp adverse avec une méthode efficace, avant de pilonner le but dans leur style caractéristique.

2-2-Wirtz-5

4-2-4/4-2-1-3 donc, mais dans quelle disposition ? Habitué à étouffer ses adversaires dans une formule agressive, avec des marquages serrés, le Bayern ne laisse que peu de temps et d’espace à ses opposants pour préparer leurs attaques. Les marquages tentaculaires qu’il déploie avaient d’ailleurs poussé Luis Enrique à mettre de l’eau dans son lait de soja, - fait rare - pour ne pas s’embourber dans ces duels, inhérents au jeu conquérant de Kompany.

Ainsi, Alonso, habitué à construire sa sortie de balle autour de trois centraux et de sa paire [Xhaka – Palacios], sacrifie un élément, et déploie un 2+2 [Tah - Tapsoba]+[Xhaka - Palacios].

A ce carré, matché par les duos [Kane – Musiala], et [Kimmich – Pavlovic] se superpose Wirtz, qui venait se proposer plus haut, ouvrant de fait une ligne de passe directe entre Hrádeckí et lui.

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Au contraire, Hincapié et Mukiele (latéraux, donc) poussaient le plus haut possible, pour se retrouver à hauteur de la défense Bavaroise, derrière la médiane.

Sans ambition de garder une structure (c’est un choix), le Bayern – et c’était très certainement prévu par les Champions en titre – se calque et se déforme : on retrouve vite Coman et Olise comme des latéraux.

Et ce aux côtés d’une défense, abandonnée par Kim, parti chassé Wirtz très haut… Car il faut bien que quelqu’un le fasse.  Sans quoi le virtuose allemand se tournera, et créa un premier déséquilibre.

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Hrádeckí va donc aller chercher Hincapié et/ou Mukiele. En jouant long vers les valeureux ailiers français (totalement à contre-emploi, donc) le gardien finlandais provoque une situation dans laquelle il est très difficile pour le Bayern de se réorganiser pour attaquer :

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Le 2-2-1-5 déforme le Bayern. Le gardien finlandais envoie volontairement un coup de chausson payant vers le duel Hincapie - Coman

Le FCB étant calé individuellement sur le bloc du Bayer, ses marquages individuels deviennent par conséquent ceux de son adversaire.

Qui lui impose un terrible contre-pressing, le faisant reculer et rendre les ballons, et gagnant ainsi 50m, avant d’édifier un véritable campement dans sa moitié de terrain.

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Avec Olise en latéral droit de fortune à la retombée du ballon, le Bayern n’a pas de solution pour sortir de la contre-pression bien pensée de Leverkusen

3-4-1-3

Après (ou plutôt juste après) le Bayer, à l’initiative de Tapsoba et Tah, va imposer sa densité offensive axiale.

Bien entendu, lorsqu’un entraineur qui maitrise son sujet semble chambouler son système, il n’en est rien. Les objectifs de jeu ne changent pas, ils sont simplement servis différemment.

Ainsi, lorsque le Bayer s’organise pour assiéger le Bayern, après que ce long ballon ait atterri sur la tête d’Olise, Mukiele ressert, et vient quasiment former une défense à trois.

Hincapié est bien un piston à ce moment-là, et l’on peut considérer qu’Alonso reproduit son 3-4-1-2 habituel, avec Hincapié piston gauche, Mukiele central droit, un double pivot, et Wirtz 10.

En pointe, dans cette formule, ce ne sont pas 2 mais 3 joueurs qui se trouvent devant Wirtz : Frimpong, Grimaldo ET Tella.

En quelque sorte, un 3-4-1-3, avec un piston opposé imaginaire, qui n’est pas nécessaire dans ce jeu de largeur minimum.

8-3413

Avec ces trois flèches à gérer sur un petit périmètre (sans parler de Wirtz…), le back4 Bavarois (Kim a alors retrouvé sa place) est mis à rude épreuve : Avec une base [Tah – Tapsoba – Xhaka – Palacios], plus donc Mukiele, disponible, il est jouable de trouver quelqu’un face au jeu, même avec peu de temps.

Assez pour envoyer des longues passes claquées au sol, que les feu-follets de l’attaque savent exploiter, dans leur style caractéristique.

Dummy – densité axiale

Tapsoba (après le système rugbystique de tape-à-suivre décrit plus haut) envisage donc immédiatement et systématiquement la longue passe puissante au sol, profitant ainsi idéalement du moment de flottement où la défense se réorganise, après avoir reculé face au jeu long.

Illustration dès la 3e minute :

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Mis face au jeu par le plan payant décrit plus haut, Tapsoba cherche immédiatement les trois attaquants dans l’axe

Focalisé sur Xhaka et Palacios, Kimmich et Pavlovic ne sont d’aucun secours au back4, qui recompose dans l’urgence face aux trois météores, qui prennent de fait la position préférentielle avec leur placement ultra-axial.

A ce moment – et c’est certainement le mouvement offensif le plus caractéristique d’Alonso – deux possibilités pour le joueur à la réception de cette ogive des relanceurs : 

- Soit il la laisse passer (Dummy, ou R1 sur PlayStation)

- Soit il la dévie très légèrement 

Les trois attaquants ont beau être sur la même ligne horizontale, il suffit que l’un d’entre eux soit onside au départ de la passe (de Tapsoba) pour être en position légale.

Ce qui lui offre la possibilité d’être (de trois mètres s’il le faut !) hors-jeu au moment du « laissé-passé » de Tella, qui ne touche pas le ballon s’il choisit cette option.

On voit d’ailleurs ci-dessous Laimer s’aligner et lever la main, pour demander le hors-jeu lorsque (croit-il…) Tella va contrôler l’ogive de Tapsoba.

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En cas de « laissé-passé », c’est au départ de la passe de Tapsoba qu’il faut être onside

Bien entendu, si le destinataire choisit la déviation, il faut que le receveur (de cette déviation) soit onside. Ce qui n’empêche pas un 3e joueur d’être hors-jeu, et d’être touché plus tard.

11 - laimer aligne grimaldo onside
Tella n’a pas encore touché la balle (et ne va pas la toucher) : Grimaldo est bel est bien en position légale, alors que Laimer s’aligne, plutôt que de suivre Grimaldo. Bien sur, si Tella dévie pour Grimaldo, il est hors-jeu. C’est pourquoi Laimer s’aligne.

Face à toutes ses possibilités, et déformés par les marquages décrits plus haut, la défense bavaroise n’a d’autre choix que de reculer. Ou plutôt de se tordre.

C’est ce qui arrive quand Mukiele envoie à son tour une torpille à raz-de-terre : Tella indique à Grimaldo de déclencher sa course, et va laisser passer le ballon entre ses jambes.

12 - tella dummy short

Wirtz a embarqué Kim, et Upamecano suit Tella dans son décrochage : Quand Grimaldo contrôle court, Laimer est trois mètres plus bas, logiquement prudent face à tous ces mouvements.

L’Espagnol temporise, et lance Frimpong (largement couvert par Ito, encore plus bas) : à ce moment, l’équilibre ne tient quasiment plus qu’au duel Ito – Frimpong, alors que les deux centraux sont sortis.

Frimpong s’emmène le ballon : La faute grossière du Japonais lui vaut un carton jaune aux teintes orangées, alors que le Néerlandais attaquait le but avec férocité.

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Les multiples options offertes par ces attaquants intrépides détruisent l’alignement du Bayern, proche de la rupture

Double largeur - Densité côté

À cette densité axiale, se combine une densité latérale. Elle permet à Leverkusen de varier ses schémas offensifs. Dans cette attaque-ci, l’un des 6 se joint à la charnière pour former une base à trois.

Une organisation qui permet de se rapprocher du couloir. Un espace dans lequel, à gauche, Grimaldo va retrouver ses prérogatives larges, et venir coopérer avec Hincapié, pour créer une double largeur.

C’est par ce biais que le Bayer va (en l’espace de 5 minutes) faire trembler à deux reprises la barre de Neuer.

D’abord sur un temps de jeu placé à la 20e, sur lequel le passage à 3+1 désarçonne totalement le duo Kane – Musiala, vite passif et démissionnaire. Face au jeu, Tapsoba voit loin, alors que Wirtz fait en sorte de titiller Upamecano, et que Tella et Grimaldo multiplient les courses profondes.

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Le 3+1 désarçonne le pressing Bavarois. Tranchants, Grimaldo et Tella envoient des appels, alors que Wirtz titille Upamecano

Condensé par ces mouvements et ces possibilités verticales, le Bayern resserre, et Hincapié fausse compagnie à Olise, alors que Palacios embarque Kane vers l’axe.

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On voit que Wirtz mobilise Kimmich, puis (et…) Upamecano. Dans le même temps, Palacios promène Kane. Grimaldo écarte et retrouve sa largeur. Hincapié est décalé sur le côté par Tapsoba.

L’Equatorien décalé, Grimaldo déclenche son appel. Laimer ne peut pas le gérer, aspiré vers l’axe par la présence menaçante et très remuante de Wirtz.

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Devant, Tella est géré (à priori) de concert par Upamecano et Kim. Mais la projection subite et brutale de Wirtz force Upamecano à sortir le cadrer dans l’urgence.

Le Français limite suffisamment l’Allemand pour l’empêcher de (vraiment…) tirer, mais Wirtz parvient – dans un numéro d’équilibriste dont il a le secret – à déclencher une sorte de centre-tir en bout de course que Neuer repousse.

Tella et Frimpong assiègent la surface de but, et la tête du lutin batave finir sur la barre.

18 - densité côté 1 suite tete frimpong barre

La barre de Tella, quelques minutes plus tard, décrit un parti pris similaire :

- Alors que le Bayer active son plan « jeu long », Xhaka vient logiquement coller Pavlovic sur le second ballon, alors que l’Allemand contrôle de la poitrine, dos au but.

- Mais Olise s’impatiente, et se projette pour contre-attaquer.

- Sous pression, Pavlovic perd logiquement le ballon.

- Grimaldo et Hincapié vont immédiatement doubler le couloir. Abandonné par le Français, Laimer est facilement mobilisé par Grimaldo.

19 - long décalage hincapie grimaldo olise betise (1)
Le jeu long paye à nouveau. Immature sur ce coup, Olise s’impatiente et se projette alors que le ballon est en danger

Libre d’enchainer depuis l’aile, Hincapié va trouver Tella, dans le dos d’Upamecano, dans le style plongeant caractéristique du b04.

D’ailleurs, la course diagonale de Frimpong, qui vient mobiliser Kim (tout comme Wirtz sur l’action précédente) prive Upamecano de toute aide pour couper le centre.

20 - barre tella part 2 (1)
Le 2v1 sur le côté aide à libérer le centreur. Frimpong, « ailier » opposé, vient mobiliser Kim (qui n’a de cesse d’échanger sa position avec Upamecano), créant de fait un périlleux 1v1 entre Tella son collègue français

Sur les deux séquences, on remarque le Bayer prend soin de mobiliser le DC côté ballon, alors que Kim et Upamecano n’ont de cesse de permuter dans l’urgence.

21 - gif mobilise central côté ballon

Un point qui pourrait tout-à-fait précipiter une défense à cinq du Bayern lors du choc européen à venir, alors qu’Upamecano peut se satisfaire d’avoir globalement bien limité la casse.

Pas vraiment de temps d’avance

Force est de constater que toutes ces franches occasions, bien que très chaudes, n’étaient pas assez franches pour faire ficelle.

Quel que soit le système, le jeu d’Alonso est extrêmement vertical : que ce soit dans l’axe ou sur le côté, c’est en créant de la densité que les travailleurs créent des (petits !) décalages.

Le temps d’avance pris par les relanceurs est souvent minimal. Le garder, tout en ayant les moyens de finir proprement (il faut bien un minimum de temps pour ajuster un gardien comme Neuer) demande une véritable adresse dans le dernier et l’avant dernier geste.

C’est le revers de la médaille de cette promotion des défenseurs offensifs : le dernier geste manque de grandeur, et les complexes équations géométriques créées par ces schémas verticaux ne sont pas résolues.

22 - gif occaz adli

Une passe diagonale est plus propice à un enchainement propre qu’une passe verticale. Tout l’enjeu est de créer un minimum d’angle. Ces quelques degrés distinguent le temps fort du but.

Cette légère "diagonalité" manque au centre de Grimaldo pour arriver dans une géométrie plus favorable à la reprise d’Adli, pas assez maître de son geste pour ajuster Neuer à la 91e.

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