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Arsenal – Real Madrid : Les galactiques anonymes

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Les Gunners d’Arteta – à nouveau dauphins de PL – ont rendez-vous avec leur histoire face au Real. Le caractère hybride de leurs talents offensifs, relativement anonymes, clique avec les innombrables variations de leur organisation. Ils ont, face au roi de la Champions League, l’opportunité de valider l’indéniable sophistication tactique de leur entraineur. À condition de tenir, face à des Galactiques qui évoluent, paradoxalement ou non, dans un registre assez similaire au leur.

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Arteta sait que ses hommes devront être intraitables défensivement pour ne pas annihiler toute chance de qualification face au Real avant le match retour. © IMAGO / Sportimage

On a pu à nouveau le constater en barrage cette saison : le Real et Mbappe - dont les ADN verticaux ont logiquement fusionné – ne connaissent pas de proie plus appétissante qu’un bloc leur offrant 45m à avaler. Ainsi, alors que le goût d’Arteta pour une approche plus attentiste va croissant ces dernières années, il y a fort à parier qu’aucune des deux équipes n’offrira à l’autre un trop grand espace entre sa charnière et son gardien, sauf si elle y est forcée par le scenario du match.

Comme lors du derby madrilène en 1/8e, on peut légitimement tabler sur une annulation mutuelle de la prise de vitesse, donnant lieu à un faux rythme, et à un attentisme partagé. Un tremolo tendu sur le temps long, qui fait aussi le sel de la Champions League. Si les précieux tickets ne sauraient être remboursés en cas de 0-0, tôt ou tard le verrou finira bien par sauter. Cela dit, le point de rupture se situe très souvent à la marge des catégories préétablies (attaque placée, transition etc…) dans des matchs qui se jouent, selon la formule consacrée, "sur des détails".

Ces bascules sont également plus souvent individuelles que collectives. Ainsi, dans cet affrontement potentiellement froid et cynique, l’ouverture du score sera plus que jamais primordiale. Surtout pour Arsenal, certainement soucieux de ne pas saboter ses chances, avant un retour (à coup sûr) infernal en cas de match aller favorable, à l’issue duquel deux buts d’avance ne seraient pas de trop. Par conséquent, les temps défensifs en bloc haut seront certainement réduits, et devront faire l’objet d’une attention extrême de la charnière des gunners.

Nous avions rapporté ici les enseignements offensifs du barrage face à City du côté du Real Madrid. On pourrait lister ainsi les caractéristiques d’un système offensif plus mécanisé que par le passé, avec :

- La formation d’un "losange" [latéral – 8 – 10 – ailier] du côté de la balle

- Alors que l’autre 6 couvre la défense

- Et qu’Mbappe, ainsi que l’ailier opposé, ont carte blanche pour générer un angle de passe vers la profondeur

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Une angulation qui leur est offerte en quelque sorte par l’écartement du bloc adverse. Et dans lequel le sous-nombre devient presque un atout. C’est un premier point sur lequel la probable paire de fortune Kiwior – Saliba sera à l’épreuve.

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Si Arsenal est globalement performant défensivement (les Gunners n’ont pas concédé de but dans le jeu de toute la phase de Ligue), leur paire de DC est constituée de profils très aériens (que ce soit Saliba, Gabriel ou Kiwior), dotés de centre de gravité très hauts. Ce qui peut les pénaliser au moment de gérer de délicats changements de direction.

3 - saliba recule trop nufc
Saliba n’est pas toujours économe de ses appuis et peu parfois mal gérer le jeu direct adverse
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Par son anticipation excessive, le longiligne défenseur français se pénalise sur le second ballon, et ne sera pas au contact
5 - barre dumfries
On retrouve ce petit défaut de mobilité sur la barre terrible de Dumfries à San Siro
6 - saliba zoom
Que ce soit vers l’avant ou l’arrière, Saliba peine à ne pas se sur-engager. Ici, quand Lautaro laisse passer le ballon, le français s’empresse de courir vers son but. L’Inter peut progresser, et va finaliser, alors que la charnière emporte la défense dans son sillage

Danse avec les stars

Selon la logique de prudence mutuelle constatée plus haut, le double-derby madrilène en 1/8e était loin d’une orgie de profondeur. Et pourtant, même dans ce contexte, le Real arrive toujours à trouver un espace et un (minime) temps d’avance. Quand bien même ce serait devant – et non derrière – la ligne défensive adverse qu’il faille se situer pour tirer.

C’est précisément ce qui se produit sur les deux buts madridistes.

7 - goal rodrigo normal
Repris par Lenglet, Rodrygo fait payer au français son incapacité à ralentir pour lui bloquer le but. Le registre dans lequel les longs centraux Gunners devront se surpasser

Le Real Madrid a plus de Champions League que le reste du monde sur les 11 dernières années. À ce niveau-là, un central ne peut se contenter "d’anticiper" lorsqu’il s’agit de défendre son but. Et toute anticipation excessive se paie aussi chère que l’absence d’anticipation, tant de fois sanctionnée par le Real.

Au-delà de Javi Galan - bien obligé de sortir au large face à Rodrygo – ce sont les insuffisances de Lenglet et Gimenez que Kiwior et Saliba devront éviter de reproduire, du haut de leur longues échasses.

D’ailleurs, à cet égard, on peut noter que c’est non seulement sur la droite (l’intérieur) de Lenglet mais également de Gimenez que le boulet de canon fatal de l’ailier droit madrilène passe. Le français et l’uruguayen n’étaient pas en retard, mais bien en avance sur le brésilien, et finalement incapables de décélérer dans de bonnes conditions.

8 - rodrygo zoom
Incapable de "freiner" convenablement, Lenglet sort trop vite de l’axe ballon-but, même chose pour Gimenez, qui perd ses appuis

D’où la nécessité pour Kiwior et Saliba de minimiser leurs appuis avec la plus grande délicatesse, pour rester là où ils ne devront jamais cesser d’être : entre le ballon et le but.

L’art délicat et nerveux du cadrage est également celui dans lequel Gimenez cède face à Brahim Diaz sur le 2-1.

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Et ce malgré tous ses efforts pour ne pas tomber dans les innombrables feintes du marocain. D’une inspiration géniale, l’ancien Citizen fait mine de chuter alors qu’il feinte de déborder. Gimenez craque et, à nouveau dans un petit espace - face à la défense et non dans son dos - Brahim finit sans élan, du mauvais pied, avec une vitesse d’exécution stellaire.

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La coordination de Lenglet et Gimenez est trop faible pour rester dans l’axe du but. Pour l’uruguayen du fait des feintes de Brahim, et pour le français au moment de changer de direction après avoir voulu contrôler l’appel de Vinicius

Alors que l’Atleti a souffert de son 4-4-2, et donc d’un cœur du jeu à seulement deux éléments (on le voit bien ci-dessus avec De Paul), il y a fort à parier qu’Arsenal – en alignant Partey derrière Ødegaard et Rice – sera plus à même de combler cet espace crucial, dont on voit bien ici qu’il a été fatalement abandonné par De Paul.

Au moment de sortir au large, et notamment face à Vinicius, le profil de Timber, plus bas et mobile que Saliba et Kiwior, est sur le papier idoine. Une occasion en or pour le batave d’entrer dans la grande histoire des Canonniers en limitant la star brésilienne.

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Les changements de direction de Vini Jr. sont terribles, mais Timber, vif et proche du sol, est un candidat intéressant pour les contenir

Dans le même esprit, on peut penser que ce match n’est pas forcément le pire pour perdre Gabriel (blessé), pour autant qu'il soit remplacé par un Timber dans l’axe (1m79 et un centre de gravité bien plus bas). Cela reste évidemment un énorme coup au moral des Londoniens sans oublier son apport sur les CPA offensifs, arme (en net recul) des Gunners.

Tous ces constats seront également valables sur les transitions. Des phases particulièrement délicates à gérer, étant donné la déstructure volontaire qui caractérise les Gunners avec la balle.

(Mbappe + Neymar) ÷ 2 = Martinelli

L’autre dimension de test en mondovision pour Arsenal, est bien entendu leur riche animation offensive. Un aspect sous-estimé chez Arteta. L’utilisation du ballon dynamique des Gunners est pourtant très difficile à contre-carrer. Aston Villa, le PSG, Man City, Liverpool, en plus de l’éparpillement du PSV en 8e de finale sont autant d’équipes qui n’ont pas su composer avec les innombrables variations des Londoniens.

Alors que Saka a fait son retour en scorant face à Fulham, on passera ici rapidement sur l’aspect "profondeur immédiate" incarné par Martinelli et l’anglais, étant donné les éléments de froideur tactique énoncés plus haut.

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Les ailiers à la fois large et plongeants d’Arsenal sont le premier argument qui leur permet de soumettre les blocs trop conquérants

Élève de Guardiola, le football qu’Arteta développe ressemble à une évolution dynamique, mobile et verticale du jeu que City a développé lors des années où le Basque fut l’adjoint influent du Catalan (2016-19).

Le latéral intérieur, une des innovations-signature de Pep, est tellement ancrée dans la culture de jeu des Gunners qu’on finit par ne même plus le notifier. Bien évidemment, le recrutement de Calafiori allait dans ce sens.

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Lewis-Skelly (latéral gauche) se joint au cœur du jeu. Naturellement, la largeur qu’il abandonne à gauche va être la propriété de Trossard, ici assigné au rôle habituel de Martinelli : l’ailier large et plongeant. On voit que Merino (MCG, qui monte du coup d’un cran) s’informe sur la largeur de ce dernier

Ce qui compte : par son incorporation au cœur du jeu, soit le latéral se joint au pivot soit il monte d’un cran. Ci-dessus, Lewis-Skelly pousse Merino vers l’attaque. Il peut aussi l’inviter à dé-zoner latéralement. En tout cas, un joueur (c’est le cas de Calafiori ci-dessous) va finir par se joindre à une ligne d’attaque fournie.

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Latéral gauche, Calafiori s’insère au cœur du jeu et mobilise l’ailier droit adverse (Doué). Gabriel décale Trossard, relayeur gauche, alors que Martinelli (ailier gauche) fait reculer la défense. Arsenal casse le pressing et le belge peut avancer : les conséquences seront funestes pour Paris

Le relayeur "remplacé" par le latéral intérieur a ensuite le loisir de se projeter vers l’avant, ou d’apporter une ligne supplémentaire au large, comme le fait ici Trossard, et très souvent Ødegaard à droite.

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L’incorporation fréquente de Raya dans la défense, donne alors la sensation d’un système en 4-4-3 / 4-3-4

Récemment, face à Aston Villa, qui défend avec deux lignes de quatre, dans une formule assez proche de celle du Real, Arsenal a une fois de plus déployé un display offensif impressionnant, dans le plus pur style Arteta. Des Clarets que les Gunners pourraient d’ailleurs retrouver en demi-finale.

Dans un style qui a vocation à mixer différents principes de jeu, à la fois positionnels et verticaux, Arteta surcharge non seulement le cœur du jeu, mais aussi les côtés. Si ses ailiers ne sont pas trouvables en profondeur, et qu’ils forcent l’adversaire à un recul logique, alors c’est dans les pieds qu’ils seront servis. Un service qui peut également être adressé au relayeur qui désaxe. 

Quel que soit le joueur libéré, il ambitionne alors, par sa qualité de passe, de profiter de la multitude d’options interlignes (qui deviennent alors également des optons profondeur) pour battre la défense adverse.

Sur l’ouverture du score face au PSG, Trossard (milieu) profite de la course profonde de Martinelli pour centrer. Jouant avec la course de Saka qui perturbe l’alignement parisien :

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Libéré par le mouvement vu plus haut, Trossard se joue de l’alignement parisien et trouve Havertz, hors de portée de Donnarumma

Face à l’Inter à San Siro, le même type de mouvement aurait dû valoir aux Gunners un penalty. On retrouve le latéral intérieur, le relayeur qui décale et vient doubler le couloir avec Saka, puis au moment où Martinelli centre, la pléiade d’options qui perturbe le back5 inzaghiste.

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L’espèce de 2-3-5 vertical d’Arteta fait de Ben White (latéral droit) un véritable milieu de terrain, capable de se projeter. Tout au long du temps de jeu, on voit que Saka et Martinelli sont menaçants dans la profondeur. Finalement servi dans les pieds, Martinelli – joueur hybride par excellence – menace toujours Dumfries d’un débordement. Son centre plongeant soudain est trop rapide pour Sommer, qui percute Merino en retard
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Profils hybrides, Martinelli, Saka, et même Trossard excellent dans le domaine, dans une relative discrétion. Mais cette multiplicité de compétences est souvent la base d’une domination marquée des Gunners.

Sommer (comme Donnarumma) est extrêmement perturbé et n’arrive pas à anticiper la trajectoire de cette passe vicieuse et incertaine.

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Villa en référence avant le Real ?

Alors que le Real n’a assuré qu’un seul clean sheet lors de ses 15 dernières sorties, Arsenal se doit plus que jamais de frapper fort à l’Emirates. D’autant plus que la Casa Blanca a souffert face à l’Atletico et lors de ses dernières sorties, et notamment face au jeu direct et profond des Colchoneros dans la défense de la surface.

Face à Villa, qui n’a pas offert aux Gunners les espaces dont ils raffolent, mais qui a tendance à s’aligner avec rigueur, un autre principe de jeu fut mis en lumière : se tenir à la limite du hors-jeu.

Servi dans les pieds par la force des choses, Trossard a délivré des ballons venimeux pour Konsa et Mings, et souvent à destination de Lewis-Skelly, prouvant ainsi que le "latéral intérieur" n’a rien de statique chez Arteta.

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Les deux buts passés aux Villans sont d’ailleurs des variations de ce set-up mobile. Ils incarnent bien la dimension marginale (plutôt que nette) des points de rupture évoquée plus haut.

Sur le premier, Trossard n’a pas de profondeur face au bloc bas des Villans. En générant une rotation avec Merino et Lewis-Skelly, c’est lui qui va finalement être trouvé lancé par l’espagnol. Alors que le 6 Kamara le reprend et le cadre, c’est dans le petit espace que lui offre le Marseillais que le belge parvient à centrer dans l’adversité. Arrivé en bombe de son poste d’ailier opposé, Martinelli conclut.

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Bloqué par Villa (Merino est mis) hors-jeu, les Gunners inventent une rotation, et finissent dans un mini-espace ce temps de jeu dynamique face à un bloc replié

Sur le second, le belge est servi dans les pieds. Cadré par Cash, mais dans un relatif un contre un, par le jeu du fixé – renversé, le belge va – tout en reproduisant à l’identique la préparation de la passe vue plus haut à destination de Lewis – finalement envoyer une accélération.

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Même si Cash n’est pas totalement battu, tout en besogne, Trossard profite de son temps d’avance pour centrer du gauche sur un pas, et offrir à Havertz le 2-0.

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L’éventail de possibilité des ailiers hybride d’Arsenal est – paradoxalement ou non – très large entre la passe, le centre et le dribble

Face à un Real qui est loin de maitriser son sujet face à la largeur et la profondeur adverse, il y a clairement de quoi faire pour Arsenal.

Les galactiques anonymes

Ces temps de jeu, comme ceux du Real évoqués plus haut, sont typiques des matchs nuls tactiques que nous offre désormais le foot au plus haut niveau. Le point de rupture se situe à la frontière de la passe dans les pieds et de la passe en profondeur, alors que le dribble est toujours activable.

On conclut souvent du mauvais pied, dans une posture disgracieuse, forcé qu’on est à le faire par la préparation défensive adverse.

Paradoxalement, alors qu’Arsenal est l’équipe moderne par excellence, avec ses profils hybrides, qui pourraient arpenter les Champs-Élysées sans déclencher une émeute, dans ce contexte, plus que jamais, le jeu appartient aux joueurs. Ces caractéristiques, incarnées par Martinelli et Trossard, sont tout à fait attribuables à Vinicius, Rodrygo et Mbappe.

D’ailleurs, lorsque le Français va chercher le penalty qui aurait dû clore l’affaire au Wanda, c’est bien après avoir perdu sa vitesse – après avoir reçu dans les pieds une passe "semi-profonde" de Bellingham - qu’il exécute Lenglet et Gimenez d’une accélération soudaine, qui l’emmenait sur son pied gauche.

Preuve que le dépassement et la besogne seront toujours les ingrédients les plus déterminants dans ce type de match, dont les points d’inflexion sont toujours délicats et marginaux.

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