Analyse tactique : le corner qui a clos le débat entre Paris et Dortmund
La demi-finale PSG - BVB définitivement basculé à la 50e minute du match retour, sur un corner, conclu par Hummels. Déjà en difficulté au tour précédent dans l’exercice, les Parisiens ont fait étalage de failles rédhibitoires à ce niveau. De leur côté, Terzic et son staff ont a nouveau démontré la précision de leur travail en amont sur l’adversaire.
L’organisation défensive de Paris
Sur les corners défensifs, le PSG s’organise en mixte, un mélange de marquage individuels et de marquage en zone (certaines équipes peuvent s’organiser intégralement dans une formule ou l’autre).
Comme on le voit ci-dessus, à part Dembélé et Mbappe, qui bloquent chacun une option courte :
- Trois joueurs parisiens sont en zone (Marquinhos, Ramos, et Vitinha (encadrés en vert))
- Le reste (il reste donc cinq joueurs) est en marquage individuel. Deux groupes se distinguent :
> (Orange) Adeyemi et les deux centraux – que Dortmund positionne autour du point de penalty pour attaquer le but - sont pris par un trio [Hakimi – Zaire-Emery – Beraldo]
> (Bleu) Le duo Füllkrug – Can (1m88 – 1m86) est quant à lui pris respectivement par Fabian Ruiz (1m89) et Mendes (1m83). Ce duo est plus libre et opère dans la surface de but.
Sur le premier corner, les deux jaunes vont au second poteau, dans la surface de but (là où il n’y a pas de zone, ils sont tous les trois au premier poteau) et sont logiquement suivis par leurs marqueurs, dans une zone où le gardien peut intervenir, si la trajectoire et la vitesse du tir le lui permet.
Avec un joueur qui tire, et un joueur qui couvre (en l’occurrence Ryerson ; envoyer 10 joueurs de champ dans la surface est un risque énorme), le rapport de force est nécessairement à l’avantage de l’équipe qui défend : deux joueurs de plus. Avec cette approche mixte, les joueurs en zone sont donc des "liberos", présents pour mâcher le travail des joueurs au marquage, en coupant les trajectoires, ou en venant à la tombée du ballon pour les seconder, attaquer le ballon sans opposition (ils sont en zone et n’ont pas d’adversaire direct).
Le parti pris de Paris est donc de blinder le premier poteau, du moins la zone qui permet de marquer au premier poteau. Une zone où toute déviation est fatale : le ballon peut garder sa vitesse sans être trop lobé. Il est logique bien la protéger. Ainsi, le 2e poteau est de fait "protégé" par la présence – en théorie – dissuasive des joueurs en zone au premier : ils forcent le tireur à une trajectoire lobée plus lisible. En règle générale, ce rôle est dévolu à l’avant-centre, surtout s’il dépasse le mètre 85. Exemple ci-dessous avec l’Inter, dont la mixte/individuelle comporte deux joueurs en zone.
C’est le premier point ou la méthode de Paris interpelle : Ramos entre le ballon et le gardien, alors que le rôle de "tour" de contrôle (ou dissuasive) est attribué à Marquinhos, défenseur plutôt tonique, mais qui culmine seulement à 1m83.
Les corners
Sur le premier corner, Brandt choisit "le poteau du milieu". Les joueurs marqués individuellement croisent leurs courses pour créer de la confusion (fréquent), mais le ballon ne leur arrive pas : Marquinhos (sans opposition, ou presque, car il est quand même gêné par Füllkrug), parvient à dégager le ballon, sur lequel il est le premier. Comme Dzeko ci-dessus. Il joue son rôle de "couvreur" et soulage les joueurs qui sont au marquage.
Le second corner sera fatal aux Parisiens et d’ailleurs l’action commence hors du temps effectif.
Dans la surface, on peut apercevoir :
- Les trois marqueurs parisiens (Zaire-Emery – Beraldo – Hakimi) attendre leurs adversaires prévus au point de penalty (Hummels – Schlotterbeck – Adeyemi).
- Les deux autres marqueurs parisiens (Ruiz – Mendes) attendre leurs adversaires prévu (Füllkrug – Can). C’est particulièrement explicite pour Mendes, qui regarde en direction de Can, certainement informé de cette attitude.
- Les trois "zonards" parisiens (Marquinhos – Vitinha – Ramos) jouent leurs rôles respectifs dans un premier poteau blindé.
Cette fois-ci, Brandt annonce certainement par un autre moyen que le bras (les équipes pro ont des codes plus discrets, Brandt remonte par exemple son short sur le premier corner mais pas sur le second) et choisit une zone différente : le second poteau.
Alors que l’arbitre n’a pas encore sifflé - laissant le temps à Can de se mettre en place - l’Allemand retourne vers la surface de but mais cette-fois ci au premier poteau. Son langage corporel ainsi que celui de Mendes attirent l’attention : on voit bien que le Parisien se contente de le suivre, alors que l’Allemand semble bien content d’être suivi. Du côté de Marquinhos, il n’y a pas de réaction, ni de réajustement.
A quoi sert le zonard ?
Brandt lance sa course d’élan et va trouver Hummels au second poteau. Qu’Hummels se démarque de Beraldo est acceptable même si la technique défensive du Brésilien (et notamment l’absence d’utilisation des bras) est douteuse et c’est aussi la responsabilité du staff. Avec le ballon, le but et l’adversaire direct devant lui, le joueur qui attaque le but a toutes les infos, contrairement à celui qui le défend (en l’occurrence Beraldo)
Ce qui interpelle c'est que Marquinhos soit aspiré par la course de Can au premier poteau, alors même que Mendes est resté à sa surveillance sans rien en sacrifier. À mesure que Mendes se rapproche du premier poteau (où il y a déjà Ramos et Vitinha), Marquinhos fait de même créant de fait un déséquilibre au second.
Le Brésilien aurait dû immédiatement comprendre, déduire, que la "couverture" qu’il est sensé produire sera plus lointaine : une énorme erreur de logique. Incapable de bien lire la trajectoire, le "petit" défenseur est trop court. Il se précipite au premier et n’est pas capable de régénérer de l’explosivité pour sprinter en arrière, puis sauter. Hummels finit, mais ça aurait très bien pu être Schlotterbeck, dominant face à Zaire-Emery.
De deux choses l’une :
- Soit Mendes aurait pu lâcher la course de Can, communiquer avec Marquinhos (lui passer le joueur en quelque sorte), pour apporter (Mendes) une forme d’aide au second poteau (on est toujours dans l’axe du but)
- Soit Marquinhos aurait dû ajuster sa position : On peut remarquer une distance raisonnable (environ 1m50) entre sa position initiale (1) de "zonard" au moment du tir et le point d’impulsion d’Hummels, à la retombée (2). Deux positions séparées de deux secondes.
Il convient également de préciser que la présence de Marquinhos aurait pu suffire pour gêner le vétéran allemand.
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— Borussia Dortmund (@BlackYellow) May 9, 2024
Terzic et son staff à nouveau dans le vrai, le PSG pas prêt
Interrogé en décembre sur un éventuel "back-to-back", Guardiola avait fait mention – en premier – de la qualité de défense sur corner, parmi les ingrédients qu’il avait cités. Habitués à parfaitement matcher l’adversaire tactiquement le BVB a également démontré sa dimension prédatrice sur coup de pied arrêté.
De son côté, le PSG n’est pas au niveau de la Champions League dans ce domaine défensivement :
Lorsqu’on examine les corners du Barça au Parc, on retrouve la même combinaison d’incohérence et de faille individuelle de Beraldo et surtout de Marquinhos. Sur le premier corner dangereux, Beraldo lâche Lewandowski, (pensant surement le passer aux "zonards") mais ne communique pas et Marquinhos anticipe au second, avec une très mauvaise lecture de la trajectoire.
Lewandowski peut toucher le ballon, mais il convient de rappeler qu’il n’y a pas but. La densité au premier poteau offrant la gêne suffisante à l’attaquant polonais pour l’empêcher de smasher puissamment la balle.
L’absence de correction et d’anticipation du PSG sur Beraldo entre le ¼ et la ½ finale est fatale. Le second en revanche, trahit la même faille que face à Dortmund :
Le Barça envoie 3 joueurs vers le premier poteau, une zone où Vitinha (dont la position est surement trop avancée) et Barcola sont sensés travailler pour dissuader les ballons tendus. Pour autant (surement affolé par le différentiel de taille entre Araujo et Lucas), Marquinhos panique et se rapproche du premier poteau. Christensen, prend position devant Zaire-Emery, et attaque une zone dont Marquinhos aurait dû avoir le contrôle, pour finir de façon quasi-imparable.
Preuve qu’une fois de plus, rien n’a été fait au hasard du côté des Borussen, qui – avantagés en plus par les décimètres d’avance sur de frêles et tendres Parisiens – ont combiné puissance athlétique et intelligence pour filer en finale.