3 enseignements de la performance mémorable contre l'Italie
Autour d’une animation défensive dynamique, tout en mouvements et en permutations, les Suisses ont dynamité l’Italie dans une performance historique. S’ils auraient pu être plus tueurs après les nombreux déséquilibres créés, les Helvètes ont fait le plein de confiance, portés par le duo Akanji - Xhaka.
1) Un jeu mobile et dynamique qui fait sauter le pressing haut
L’Absence de Widmer (suspendu) avait poussé Murat Yakin a aligné un 3-2-2-3 ultra offensif, avec l’habituel ailier Ndoye comme pendant de Aebischer à droite, en plus des trois attaquants Rieder, Vargas et Embolo.
Pour faire face aux trois attaquants Italiens, la Nati s’était appuyée sur une assise à 3+1 avec la défense [Schär – Akanji –– Rodriguez + Xhaka], qui venait parfois se comporter comme un central. Sa mobilité a tout de suite apporté une sensation de contrôle total dès les premières minutes. Au-delà du quatre contre trois créé face aux attaquants transalpins, on a vu une multitude de permutations et de mouvements qui ont détruit leur pressing. Alors que Xhaka venait dissuader Scamacca de presser Akanji en se mettant aux côtés du central Citizen, (Schär et Rodriguez complétaient alors une sorte de défense à quatre), Aebischer venait se proposer à l’intérieur. Ce mouvement dissuadait Cristante – à priori au marquage du capitaine suisse – de le suivre pour presser "totalement" la suisse.
Comme on le voit ci-dessus, le 6 Italien est obligé d’aller prêter main forte à ses centraux face à Embolo et Rieder (hors-champ)
- Il ne peut pas récupérer Aebischer.
- Cristante va donc lâcher Xhaka pour prendre Aebischer.
- Dans le même temps, Xhaka va se mettre aux côtés d’Akanji.
- Ndoye attire suffisamment El Sharaawy pour libérer Schär face au jeu.
La défense de l’Italie est forcée à reculer.
Difficile d’aborder l’entame suisse avec une perspective "système", tant les mouvements qui perturbent l’Italie sont multiples. Il y a une dimension positionnelle, mais aussi un grand dynamisme qui multiplie les configurations. Comme l’avait indiqué Yakin, consigne avait été donnée d’occuper les côtés en apprenant la défense à quatre des Italiens.
Après le mouvement décrit ci-dessus, Akanji va jouer sur Rodriguez, une première fixation s’opère à gauche…
Et lorsque le ballon revient, on voit Freuler qui va se déporter aile droite, et semblant demander à Ndoye de fixer Darmian. L’ancien Bergamasque peut se tourner face au jeu, la Suisse est à sa main pour casser la pression et faire courir l’Italie.
Quelques minutes plus tard, on voit clairement la dimension "permutations" du plan de jeu à travers la communication des joueurs :
- D’abord Ndoye et Rider qui conviennent d’intervertir leurs positions
- Puis Freuler qui ordonne / rappelle à Rieder d’occuper la largeur si Ndoye occupe le halfspace / attaque le but
On rappelle que Freuler et Ndoye sont coéquipiers dans un Bologne dont l’ombre dynamique plane sur cet Euro.
On voit que la défense est perturbée par les multiples mouvements suisses. La Suisse tient l’Italie en respect et va maintenant devoir identifier l’espace.
2) Les Suisses doivent être plus "tueurs"
C’est un lieu commun vieux comme le monde, mais il ne peut pas revenir si souvent dans la bouche des acteurs sans être fondé : l’efficacité face au but est un élément déterminant. Capables, comme nous venons de le voir, d’ouvrir le pressing haut Italien avec mobilité et fluidité, les Suisses vont poser des temps de jeu impressionnants par leur qualité et surtout leur quantité. Face à cette défense qui va flotter, les Helvètes vont poser une bonne quinzaine de temps de jeu placé avant l’ouverture du score de la 37e, ce qui est colossal.
Pour autant, ils ne tireront que neuf fois, ce qui indique de nombreux temps de jeu sans tir. Si l’on veut grossir le trait, à la 25e minute, ils n’ont alors allumé qu’une seule fois Donnarumma, malgré une domination totale.
Illustration à la 17e avec un pressing qui vole en éclat (on notera la multitude de registres dans lesquels opère Aebischer), et Rodriguez qui va trouver Vargas entre les lignes :
Ce temps de jeu a le mérite d’achever de convaincre les Italiens de rester chez eux, ce qui va amplifier la sensation de soumission totale du bloc de Spalletti.
Le temps de jeu de la 21e va combiner à la fois le même type de tergiversation, et la finition pure. D’abord avec un superbe mouvement tout en fluidité, où la Suisse bascule dans une sorte de 5-1-4, avec le seul Freuler devant la défense, qui va finalement se projeter en profitant d’une défense qui recule. Avec classe, Akanji va claquer une magnifique passe pour Freuler, alors que Barella ordonne à Fagioli de récupérer Rieder, et que Cristante garde un œil sur Xhaka. L’Italie est fendue par le jeu à la fois dynamique et positionnel de la Nati.
Impossible de parler de ce temps de jeu sans aborder – après une succession de transitions défensives réussies, le face-à-face perdu par Embolo face au gardien du PSG. À nouveau, les Suisses vont se montrer à l’aise sous pression, et triturer le milieu italien.
Le Turinois décale Aebischer, qui va délivrer un ballon parfait pour Embolo. On retrouve la dimension "latérale" avec les déplacements de Vargas et Freuler vers le ballon.
Après avoir pris leurs marques, les Suisses finissent par ajuster la mire, sur un nouveau temps de jeu ultra-maitrisé à l’initiative du quasi "duo de centraux" Xhaka – Akanji :
À nouveau, on note le mouvement de Freuler, qui promène littéralement Barella, alors qu’Aebischer vient solliciter Fagioli. Embolo vient s’intercaler entre les lignes, et parvient à bonifier la passe claquée – peut être un peu puissante d’Akanji – tout en faisant sortir Mancini.
L’Italie n’a frappé qu’une fois, et la Suisse finalise – enfin – sa large domination.
3) Des transitions solides autour d’un Akanji monstrueux
Même si les Italiens ont fait leur part du travail par leur médiocrité technique, il convient de noter le comportement parfait des Suisses à la perte. Comme on l’a vu, Schär, Akanji et Rodriguez avaient pour référents individuels les trois attaquants italiens. Rodriguez n’a rien laissé à Chiesa après les ballons perdus suisse, et a fait preuve d’une surveillance attentive sur l’ailier juventino tout au long de la possession, le limitant totalement. Même chose pour Schär face à El Sharaawy, et pour Akanji face à Scamacca.
Au-delà de son récital avec Xhaka à la base du jeu de position (de relation…) suisse, le Citizen, champion d’Europe 2023, est également l’illustration d’une génération qui fait face à son destin.
Avec un Champion d’Italie, d’Allemagne et d’Angleterre dans un XI où sept joueurs jouent la Ligue des Champions, les Suisses, déjà tombeurs des Bleus lors du dernier Euro, joueront face aux Anglais, pour une demi-finale hyper ouverte face au vainqueur de Turquie – Pays-Bas.